intra-muros :
Accueil > arts visuels > Salah Hioun : Un parcours, un univers
Salah Hioun et Bachir Yelles au musée des beaux-arts d'Alger (2011)

Salah Hioun : Un parcours, un univers

 

Le Musée national des Beaux-Arts accueille un grand artiste, singulier et attachant (Rétrospective du 2 juillet au 30 septembre 2011). En 1954, un jeune Algérien de 17 ans, réussit à s’acheter une embarcation et à traverser clandestinement la Méditerranée, devenant ainsi un harrag avant l’heure ! La guerre de libération vient d’éclater, deux de ses frères sont montés au maquis et il fuit la SAS (service d’action psychologique de l’armée) qui l’a convoqué pour lui proposer étrangement un stage d’éducateur. Sentant la manipulation, encouragé par sa famille, il se rend en France pour dérouter les recherches. C’est un des épisodes singuliers du parcours de Mohamed Salah Hioun auquel le MNBA consacre une rétrospective méritée* car, au-delà du navigateur d’occasion, il est aujourd’hui un des doyens de l’art moderne algérien. Né à Collo en 1936, cet artiste qui paraît encore bien jeune, dispose d’une œuvre qui s’étale sur 60 ans, développant une expression originale et talentueuse et soulignant un parcours particulier dans l’art algérien.

Dans les années 30, sa famille s’installe à la Pointe Pescade, près d’Alger, et, déjà signalé par les voisins qui se plaignent de ses dessins sur les murs (le personnage de Zorro surtout), sa voie paraît tracée à l’Ecole des Beaux-arts (alors au Quartier de la Marine) où des cours sont donnés aux enfants et débutants. Il a des professeurs émérites, dont Mohamed Racim. En 1953, il réalise sa première peinture à l’huile d’après une carte postale du Sahara. Suit sa fuite qui le mène chez un cousin à Limoges. Là, il est apprenti dans un atelier de décoration et de peintures publicitaires où il s’initie à de nombreuses techniques. Mais Paris, capitale d’art, l’attire et il s’y rend en 1958 pour travailler dans un studio de décoration et d’aménagement intérieur à la clientèle huppée de vedettes de la chanson. Il passe ainsi quelques jours chez la chanteuse Dalida qui, elle aussi, veut décorer et insonoriser son habitation. Il fréquente assidûment la Place du Tertre à Montmartre, où il découvre des peintres modernes et échange parfois avec eux. Cet art nouveau le fascine, et il dessine régulièrement dans sa chambre. Quand l’indépendance arrive, il est pressé de rentrer au pays pour y retrouver les siens et participer à la vie culturelle naissante. Il entre à l’imprimerie de la Banque d’Algérie, où il découvre sa future passion : la gravure.

L’institution financière lui offre alors une bourse à l’Ecole des Beaux-arts, désormais au Telemly, et il est de la première promotion de 1963, à l’atelier de gravure. Le 1er novembre de cette année a lieu, à la salle Ibn Khaldoun, la première exposition des artistes algériens. Hioun découvre l’expression de ses aînés, Aksouh, Baya, Benaboura, Benanteur, Bouzid, Guermaz, Issiakhem, Khadda, etc. Il commence à vendre ses premières œuvres et expose de plus en plus, s’imposant d’abord comme graveur. A sa sortie de l’école, en 1966, il travaille dans des imprimeries et ateliers de gravure publics, mettant à profit et améliorant son expérience. Il se met à la gouache. Devenu responsable du bureau d’études d’artisanat traditionnel, il se passionne pour le patrimoine décoratif ancestral, qu’on retrouve dans ses œuvres d’alors, mais il n’adhère pas pour autant au Mouvement Aouchem de 1967. A partir de là, il va enrichir sa palette de techniques, en restant fondamentalement un graveur, et forger une expression qui évolue au fil des ans en gardant une ligne qui le distingue et le caractérise, dans un univers où la méditation, le rêve et l’émotion se conjuguent et méritent votre regard.

Dalila Orfali-Mahamed

*Rétrospective M. S. Hioun. MNBA, Le Hamma, Alger, du 2 juillet au 30 septembre 2011. Source : texte de Dalila Orfali-Mahamed, conservatrice, dans le catalogue de l’expo.

Laisser un commentaire