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BAYA Fatma Haddad, épouse Mahieddine, (Algérie)

ABCD Art Brut – www.abcd-artbrut.net

Depuis son apparition en 1945, le concept d’art brut ne cesse d’interroger nos perceptions esthétiques, nos définitions de l’art et les certitudes concernant notre identité. Aujourd’hui, à travers le regard de nouveaux collectionneurs, de chercheurs et enrichi par le regard d’un public de plus en plus concerné il est mis à l’épreuve, le concept évolue.

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Si l’art brut a survécu à Jean Dubuffet, son inventeur, il a connu aussi sa préhistoire enracinée dans ce qu’on appelait, au début du XXe siècle, “l’art des aliénés”, ces productions plastiques de malades mentaux que les premières collections psychiatriques surent préserver.

Qui sont ces créateurs dont les œuvres représentent pour nous une sorte de “pureté artistique”, ces témoins d’un autre monde, objet tout à la fois de nos rêves et de nos craintes ? Ils sont étrangers à la culture des “beaux-arts”, étrangers aux rituels et aux lieux qui la constituent : écoles, foires, circuits marchands, musées, institutions, supports de communication. Etrangers aux courants et influences stylistiques, aux labels et procédés techniques en usage. Ce sont souvent des gens vivant dans l’isolement des campagnes, dans l’anonymat des villes ou dans une solitude qu’on pourrait qualifier d’autistique.

Dans les années 1940, Jean Dubuffet, avec le concours d’autres artistes et d’intellectuels initie une recherche et commence une collection de ces productions qu’il qualifie d’art brut. Bien avant lui, “l’art des fous ” avait retenu l’attention de psychiatres éclairés et d’intellectuels intuitifs. Cependant, le mérite essentiel de Dubuffet est d’opérer une coupure épistémologique. Forgeant le terme d’art brut, il rompt définitivement avec la conception psychiatrique de l’art des fous.

Dans le champ de l’art et de la folie, l’invention du concept d’art brut est une révélation. Le coup de génie de Dubuffet est d’inscrire ses théories sur le terrain du combat, n’hésitant pas à manier le paradoxe et la provocation pour parvenir à ses fins : couper le cordon qui lie le créateur à l’hôpital et à l’autorité du psychiatre.

Il est ainsi le premier à faire sortir les œuvres des patients créatifs du cadre hospitalier et à en faire un outil de subversion hors les murs ; leur seule existence suffisant à remettre en question les notions classiques de l’art et de la création mais aussi ceux du normal et du pathologique.

Dubuffet est aussi le premier à délimiter un territoire spécifique ne pouvant se confondre avec l’art culturel, par le simple fait que les créateurs, ainsi désignés, tirent leur inspiration exclusivement de leur propre fond. L’inventivité qui les caractérise n’est redevable qu’à leurs capacités psychiques propres, jusque dans les emprunts qu’ils font à la culture de tous. Si leur territoire est celui de “l’homme du commun”, selon l’expression du peintre, on pourrait tout aussi bien dire que leur destin est “hors du commun”, puisqu’une étrange nécessité les propulse dans une fièvre de création où ils s’absorbent tout entiers. Indifférents au contact d’un éventuel public, ils sont peu soucieux du devenir de leurs œuvres. Il arrive même que celles-ci ne soient découvertes qu’après leur mort.

L’art brut, tel qu’il est défini par son découvreur, ne peut être confondu avec d’autres formes d’expressions artistiques qui peuvent paraître empreintes de spontanéité : art populaire, naïf, primitif, dessins d’enfants, productions issues d’ateliers d’art-thérapie, art singulier, etc.

Au regard des thèses de Dubuffet, l’œuvre d’art brut est donc une production radicalement individuelle, sauvage et étrangère à tout modèle. Elle est produit de pure nécessité, la seule influence qu’elle subisse étant celle d’une impérieuse voix intérieure.

Pour nous, qui sommes les héritiers de cette pensée féconde, mais qui sommes aussi nourris des apports de la psychanalyse, de la linguistique et des sciences sociales, les thèses de Jean Dubuffet ne vont pas sans poser de questions. Aussi, semble-t-il aujourd’hui toujours nécessaire d’approfondir ses recherches. Non pour en affadir ou en infléchir le sens – comme tendent à le faire les manifestations, expositions, publications, collections qui mêlent l’art brut à des œuvres souvent médiocres n’ayant rien de commun avec lui – mais au contraire pour les développer, en faciliter la connaissance.

C’est l’objectif que s’est fixé abcd.

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