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Aicha 1998, Huile sur toile, Chaïbia TALLAL (1929-2004)

 Chaïbia Tallal ( Maroc / 1929 – 2004) – Aicha 1998 – Vente : 41 100  €  (440 000 DH)

Signée et datée : Signée en bas à droite, contresignée, datée et titrée au dos
Format : 80 x 70 cm.
Provenance
Lienhttp://www.cmooa.com/a%C3%AFcha-1988
Estimation : 400 000 / 450 000 DH –  37 200 / 41 800 €
Oeuvre : Aicha 1998
Technique : Huile sur toile
Résultat des ventes : 41 100  €  (440 000 DH)

 

Chaïbia Talal (Maroc)

Chaïbia TALLAL ( Maroc / 1929 – 2004) 

Chaïbia Tallal a été sans conteste la plus célèbre peintre du Maroc du 20ème siècle. De plus, elle figure parmi les plus grands peintres du monde, au même titre que Miro, Picasso et Modigliani, pour ne citer que ceux-là.  Aussi, elle est la seule peintre du Maroc dont les œuvres sont cotées à la bourse.  Il faut dire que ces tableaux peuvent se vendre jusqu’à un million de dirhams pour un grand format.

Chaïbia Tallal est née en 1929, à Chtouka, près d’el-Jadida.  Rien ne semble prédestiner Chaïbia à sa carrière de peintre de renommée internationale.  En effet, elle est née au sein d’une famille paysanne, au cœur de la campagne, à une époque où la scolarisation est encore le privilège des enfants de la haute classe. Chaïbia est analphabète.  Enfant, elle a pour responsabilités de veiller sur les poules et leurs poussins.  Quand elle en perd un, pour se parer contre la colère des siens, elle se cache dans les bottes de foin.  Cette époque marque l’imagination de la grande peintre.  Dans les nombreuses entrevues qu’elle a accordées à divers journalistes, elle explique que tout le long de sa carrière, sa peinture raconte «tout ça,» c’est-à-dire l’étendue des champs, la fraîcheur de la pluie et l’odeur du foin mouillé, et au-delà, son amour incommensurable pour la mer, la terre, les rivières, les arbres, les fleurs, surtout les marguerites et les coquelicots. D’ailleurs, c’est cet amour qui lui a valu le sobriquet de mahboula, la folle du village.  Durant son enfance, Chaïbia ramasse les fleurs, en fait des couronnes et s’en couvre la tête et le corps.  À la mer, elle ramasse les pierres et les coquillages, et bâtit des maisons de sable qui ont des portes et des fenêtres.  Pourtant, Chaïbia n’a jamais vu de maison auparavant : elle vit avec les siens, dans une tente.  Personne ne se comporte comme elle à Chtouka.  La folle du village est bel et bien différente des autres.  Loin de regretter son originalité, avec le recul de l’âge, Chaïbia affirme que c’est important de ne pas avoir peur d’être différent.

À l’âge de treize ans, Chaïbia Tallal a été mariée à un homme âgé qui en est à ses septièmes noces.  Cette union dure deux ans : suite à un accident, le conjoint de Chaïbia décède, et celle-ci se retrouve veuve à l’âge de quinze ans, de plus mère de Hossein, un enfant d’à peine un an.  Pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils, Chaïbia file la laine, et travaille comme femme de ménages chez plusieurs familles françaises ; le Maroc n’était pas indépendant à l’époque.  Les longues heures de travail n’entament en rien la détermination de Chaïbia.  Cette dernière veut coûte que coûte que son fils échappe à la blessure de l’analphabétisme, cette blessure dont elle a souffert toute sa vie, et que ni la gloire ni la richesse n’ont réussi à guérir.  De façon similaire, la pauvreté n’entame en rien le décision de Chaïbia de ne pas se remarier : elle décline les nombreuses demandes en mariage qu’elle reçoit.  D’un côté, elle veut protéger son fils contre un éventuel mauvais traitement d’un beau-père, et de l’autre, elle veut vivre libre.   Et Chaïbia sait apprécier sa liberté, même dans une demeure sans électricité.  Hossein Tallal se rappelle qu’il a étudié à la lueur des chandelles, jusqu’au jour où il a quitté le Maroc, pour aller étudier à l’étranger, et en revenir peintre reconnu.

Chaïbia Tallal continue à faire ses ménages, pendant que Hossein bâtit sa carrière de peintre.  Quand la mère voit son fils tout barbouillé de peinture, elle le réprimande, en lui expliquant qu’elle est lasse de laver cette sorte de crasse.  Elle est bien loin d’imaginer que les rôles vont être bientôt inversés… À la lumière de son expérience personnelle, Chaïbia est convaincue que chacun de nous a son destin déjà tracé pour lui, ou pour elle.  Il suffit de savoir lire les signes de la vie pour savoir s’orienter.  En effet, deux événements ont orienté Chaïbia vers la voie qu’elle doit prendre.  D’abord, elle rencontre un saint homme dans la zawiya de Moulay Bouchaïb qui lui prédit qu’elle, la mahboula, va être la baraka, la grâce de son village.  Vient ensuite le rêve qui a changé le cours de sa vie.  En 1963, à l’âge de vingt cinq ans, Chaïbia rêve qu’elle est dans sa chambre à coucher.  La porte de la chambre est ouverte, découvrant une rangée de bougies allumées qui s’étend jusqu’au jardin. Toutes les couleurs du spectre chatoient dans un ciel parfaitement bleu.  Puis, des hommes, tout de blanc vêtus, entrent dans la chambre.  Ils offrent à Chaïbia des toiles et des brosses, en lui expliquant : «c’est ça ton gagne-pain.»  Au réveil, Chaïbia sait que le rêve doit se réaliser.  Deux jours plus tard, elle achète de la peinture, et sans tarder, s’attelle à l’œuvre.  Quand un beau jour Hossein surprend sa mère toute barbouillée de peinture, il l’encourage à continuer.

Chaïbia a continué à faire ses ménages la journée, et à consacrer ses soirées à la peinture.  Deux ans plus tard, soit en 1965, Hossein invite Ahmed Cherkaoui, peintre marocain, et Pierre Gaudibert, critique d’art et directeur du Musée de l’art moderne de Paris à venir manger un vrai couscous chez sa mère.  Sans arrière-pensées, cette dernière montre ses peintures à ses convives.  Pierre Gaudibert a beaucoup aimé les œuvres de la peintre naissante.  Avec du recul, Chaïbia reconnaît que ce dernier l’a beaucoup aidée et encouragée.  Il y a eu d’abord trois premières expositions en 1966, l’une à Goethe-Institut à Casablanca, une autre à la Galerie Solstice à Paris et l’autre au Salon des sur indépendants au Musée d’art moderne de Paris.  Ensuite, les expositions se sont enchaînées un peu partout dans le monde.  Le succès de Chaïbia a été fulgurant.  La mahboula, la folle du petit village de Chtouka séduit un grand public entre autres à Copenhagen, Frankfort, Ibiza, Tunis, Brésil, Rotterdam, Irak, Barcelone, Nouvelle-Zélande et Beverly Hills.  Les grands critiques d’art ont consacré Chaïbia grande peintre du 20èmesiècle, d’ailleurs avec raison puisque les œuvres de cette dernière côtoient celles de Miro, Picasso et Modigliani pour ne citer que ceux-là.  Aussi, dès 1971, Chaïbia figure dans le Larousse de l’art dans le monde ; et en 1977, elle entre dans le dictionnaire de référence Bézénit.

Mais nul n’est prophète chez lui.  En effet, pendant que l’Occident s’extasie devant le talent de Chaïbia Tallal, les ténors de l’art contemporain au Maroc lui réservent un mépris souverain.  Il faut dire que pour eux, la production de cette dernière se réduit au mieux à de l’art naïf.  Pourtant, les critiques d’art sont quasi unanimes à cet égard : le style de Chaïbia ne relève pas de cette forme d’expression. Et s’il faut à tout prix classifier ce style, certains critiques s’accordent pour dire qu’on est en présence d’un «art brut,» c’est-à-dire un idéal plastique tel que préconisé par le mouvement européen Cobra en 1945, à savoir un art dégagé de toute influence savante, culturelle et historique.  En réalité, le style de Chaïbia est inclassable.  Plus tard, on dit un «Chaïbia» comme on dit un «Picasso» … mais aussi comme on vend un «Picasso» : Chaïbia est la seule peintre marocaine à être cotée en bourse ; et les collectionneurs sont prêts à débourser la bagatelle d’un million de dirhams pour acquérir une seule de ses toiles !

Chaïbia Tallal s’éteint à Casablanca en 2004, à l’âge de soixante quinze ans, suite à une crise cardiaque.  Chaïbia a livré à la postérité une abondante production artistique.  Ses toiles alimentent les collections de nombreux États, dont la France, l’Italie, le Japon, la Suisse, l’Inde, Haïti, l’Australie, la Grande Bretagne et les États-Unis.  Ses toiles alimentent également les plus grandes collections privées du monde, dont celle du roi du Maroc, et celles d’autres collectionneurs entre autres en France, Italie, Liban, Égypte, Inde, Canada, Espagne, Suisse, Hollande, Belgique, Haïti, Japon, Suède, Danemark, Allemagne, Australie, États-Unis, Grande Bretagne, Nouvelle-Zélande, et Afrique du sud.  Somme toute, la mahboula de Chtouka a été une baraka, une grâce pour le Maroc entier.

(For the English version of this text, click on the link: Chaibia Talal)

Sources : http://etudesmarocaines.com

 

Aicha 1998, Huile sur toile, Chaïbia TALLAL (1929-2004)

 

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