Le Temps d’Algérie : Pourquoi ce titre «Passage rituèlique» de cette exposition ?
Djahida Houadef : «Passage rituélique» est une exposition qui s’est mise sur les rails vers un lieu illustre, celui de la galerie Mohamed Racim. Un lieu historique où la peinture algérienne a connu ses jours de gloire et a vu défiler de nombreux artistes. Avec leurs productions interprétées dans ses diverses expressions et tendances artistiques, notamment avec la naissance du mouvement Aouchem, des artistes-peintres ont marqué leur temps et ont même réussi à faire sortir leurs œuvres hors des murs de la galerie pour représenter l’Algérie à travers le monde. L’histoire de la peinture algérienne post-indépendance est née dans ce lieu mythique. Mon exposition vient s’ajouter à la liste des précédentes que la galerie ait connues. Elle est conçue, donc, dans un esprit symbolique, celui de la continuité pour assurer un souffle fonctionnel et une longévité, d’une galerie combien de fois menacée.
On remarque un nouveau style de Djahida Houadef très différent. À quoi est dû ce changement? Pourquoi les animaux?
Le changement est tout à fait à sa place. Il est même nécessaire quand un créateur travaille continuellement, une chronologie évolue et s’impose quand il y a un besoin, quand il y a un désir d’innovations, vers de nouvelles aspirations et de nouvelles visions. L’homme dans sa nature se lasse rapidement de la monotonie, du déjà vu, il est, tout le temps, à la recherche de sensations uniques et authentiques. Avec le travail des animaux, j’ai choisi de remonter le temps, revisiter leurs représentations, ouvrir davantage l’éventail de toutes les réalisations des créateurs, de la préhistoire jusqu’à nos jours. L’art animalier a toujours inspiré les artistes et mon travail consiste à mettre en avant la singularité des animaux qui apparaît au travers de la beauté fascinante qu’ils dégagent. Il relève aussi de cette fusion des paradoxes qui interpelle tant, entre la force et la douceur, le mal et le bien, la laideur et la beauté.
Votre palette est toujours aussi chamarrée. La couleur semble être le point nodal de ta peinture. Qu’en est-il ?
Effectivement, ma relation avec la couleur est très intime. D’ailleurs, c’est ce que j’ai mis précisément en valeur lors de ma dernière exposition intitulée : «Pacte avec la lumière». Une complicité née d’un délicat rapport spirituel et émotionnel qui s’est livrée comme une offrande à la lumière. Avec une telle liberté de manipulation, je ne peux que franchir les formes de leurs délimitations et fusionner les touches étalées sur les supports comme un feu d’artifice. Souvent, le mélange des couleurs donne un résultat prémédité, mais combien de fois, l’agencement de celles-ci nous surprend et nous livre à une certaine magie conçue d’une forte divination, indépendamment de soi.
Que représente pour vous la peinture, une passion ou un exutoire ?
Pour moi, la peinture est avant tout un refuge de l’âme. Un vecteur de paix intérieur, une sérénité qui remplit le cœur. Elle atteint et cible les éléments majeurs de l’être humain. Elle s’adresse à ces derniers et construit avec eux un dialogue sacré, ouvert et bienveillant. L’art est une divinité tout comme la création de l’homme qui reste une énigme impénétrable que toutes les sciences exactes ne seront l’expliquer. L’art, avec toutes ses disciplines confondues, accompagné de l’être humain resteront à l’infini deux éléments singuliers indissociables. Côte à côte, ils ont fait du chemin de la préhistoire à nos jours.
Quel est le peintre de votre prédilection ?
Tous les peintres sont ma prédilection. Je leur réserve tout à chacun une place de référence dans mon imaginaire. Chacun a sa propre empreinte et sa propre identité. Seulement que cette prédilection ne doit pas influencer une démarche artistique, ni dans sa conception, ni dans sa réalisation. il faut rester soi-même pour pouvoir apporter le changement nécessaire à l’humanité, celui de la découverte, du développement, du meilleur et de nouvelles visions. Le monde est monde parce que son édifice s’est construit pierre par pierre. Et si toutes les pierres se ressemblaient il y aurait une symétrie uniforme qui figerait les regards.
Quels sont vos projets?
Continuer la série des animaux pour en constituer une collection. L’exposer au public, tout en souhaitant un peu plus d’opportunités pour d’autres projets et assurer ainsi une dynamique culturelle. Mais aussi le plus important c’est de donner de la visibilité à mon travail et maintenir son souffle.
Signé : K.A
Le Temps d’Algérie le 19 – 10 – 2018
Djahida Houadef expose à la galerie Mohamed Racim, avenue Pasteur qui est et restera la galerie de l’UNION DES ARTISTES PLASTICIENS ALGÉRIENS et squattée par l’établissement Art et culture