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Entretien Hossein Tallal (Maroc) : “L’art est un moyen de rapprochement entre les peuples et les nations” par le Dr.Cheikh Abdella

Hossein Tallal n’a eu de cesse de façonner une oeuvre picturale romantique habitée de personnages fantasques dans le regard desquels se mêlent des sentiments énigmatiques. Illustre icone de la peinture marocaine contemporaine, l’artiste Tallal a été décrit par le critique d’art Alain Flamand comme “L’un des plus grands peintres marocains; peintre de la solitude et de l’essentiel par excellence”. Et ajouter: “Peintre des foires orageux, peintre des couleurs vives, Tallal sait aussi se mettre a l’écoute de la nuit. Si sa peinture sensuelle est dramatique, si sa peinture intellectuelle est onirique, sa peinture réaliste est franchement tragique”. Sa bonne image de marque en termes de recherche et création fait de lui l’une des figures majeures de l’art moderne aussi bien au Maroc qu’a l’étranger. Loin de toute ressemblance ou répétition stéréotype, la peinture de Tallal, comme écrivait Denise Divrone, critique d’art, est une peinture d’évasion aux frontières de l’art figuratif, une interprétation subjective de la réalité objective. Le spectateur, en abordant son oeuvre, doit savoir qu’il va vers la rencontre de cette vision, sinon il ne peut la comprendre. Son acte pictural n’a pas la prétention de reproduire la réalité visible, il essaie de saisir la beauté spirituelle édictée dans les états d’âme, en rendant l’invisible visible. A titre de rappel, Tallal, grand témoin de son temps, a été invite par l’Académie des Arts Iranienne comme membre du jury de la 3eme Biennale d’Art Islamique dont il a assure avec rigueur et objectivité la sélection des œuvres artistiques primées. Suite a cette participation, il a contribue à l’organisation d’une grande exposition d’art iranien initiée par la dite Académie au Forum de la Culture (ex Cathédrale Sacre Cœur) à Casablanca pour présenter le panorama le plus représentatif possible de l’art iranien dans ses styles diversifies.

 

Quels sont les grands tournants qui ont marque votre imaginaire pictural digne des grands musées ?

J’ai la chance dans les années soixante, d’avoir un ami comme Cherkaoui que j’ai côtoyé à Paris et qui m’a permis de rencontrer plusieurs artistes et écrivains célèbres surtout lors de mon exposition individuelle a la Galerie parisienne la Roue : Gaston Dhiel, Jacques Berque et autres. Dans ce contexte, j’ai été sélectionné par le fameux historien Rene Huyghe dans Larousse “Les Art dans le monde” et j’ai remporte le grand prix du Salon d’Hiver du Maroc a Marrakech. Ce grand salon crée par Majorelle a regroupé les artistes européens confirmés et les jeunes talents. On était trois artistes marocains: Taieb Lahlou, Hassan Glaoui et moi-même. J’étais surpris d’avoir décroché ce prix parce que j’étais le plus jeune sélectionné par la commission du jury. Une chose qui m’a beaucoup marqué, c’est que je n’ai pas récupéré ce prix faute d’une panne prévue dans ma veille voiture en destination a Marrakech. Avec sa générosité de cœur et sa grandeur humaine, Cherkaoui disait a chaque fois qu’il me présente a une personnalité culturelle: “Nous sommes deux a Paris”. J’ai toujours garde en moi même cette générosité envers d’autres personnes. C’est extraordinaire!

 

Vous êtes de ces artistes précurseurs qui ont réalise un parcours probant et riche en termes de créativité et de plasticité. Peut-on avoir une idée sur ce que vous avez réalisé jusqu’à présent ?

Lors de ma première exposition a la Galerie parisienne La Roue, j’ai axé ma peinture sur ce thème général: les portraits imaginaires sans recours à des titres. Vers les années soixante dix, j’ai commencé a illustrer les contes fantastiques d’Edgar Alain Poe, en mettant en scène l’enfant et les jouets. C’est un peu les enfants handicapés. Ce qui est extraordinaire à ce propos, c’est que en recevant ma carte professionnelle au parlement, j’ai retrouve deux tableaux représentatifs de cette série ou j’ai aborde avec spontanéité le tragique de l’enfance et la beauté de la laideur. Je suis fils unique et je n’ai pas connu mon père à la naissance. Ainsi, je voudrais bien rendre hommage à ma mère qui disait souvent: “j’ai appris a mon fils à lire sous la lumière d’une bougie”. A l’occasion de l’exposition de mes travaux en 1967 a la galerie “La Roue” a Paris, Jean Bouret, célèbre critique d’art français, a bien écrit dans “les Lettres Françaises”: “les tableaux réunis ici sont d’une étrange beauté. Je ne sais pas pourquoi ils m’ont fait penser à William Blake, mais c’est ainsi et je n’y peux rien, même pas une tentative d’explication.”.

Quant a mon exposition a la Galerie Vercamer à Paris, elle a été focalisée sur le thème de la danse. A Rabat, j’ai présenté la thématique du cirque en tant qu’un monde passionnant qui fait référence a mon enfance quand je n’avais pas l’argent d’y accéder. Je me rappelle cette citation d’une historienne d’art française en commentant mon travail en question :”Beaucoup d’artistes ont travaille sur le cirque, mais ton cirque est a toi Tallal.”.

En 1984, Feu SM Hassan II a écrit: “Ces tableaux qui témoignent du degré de perfection jamais atteint par l’art pictural marocain, grâce à votre labeur acharne et à votre ténacité opiniâtre de poursuivre avec constance, un effort de recherche soutenu par une maîtrise adéquate de votre technique, honorent le Royaume.”.

 

Quel regard portez-vous sur les arts plastiques au Maroc en tant qu’artiste peintre et homme de culture?

On a une très bonne école, parce qu’elle est diversifiée: il y a les naïfs, les abstraits, les figuratifs, les installateurs, les photographes -etc. Cette diversité relève de la lumière fascinante du Maroc qui a beaucoup inspiré les maîtres de la peinture, en l’occurrence Delacroix, Matisse et Majorelle. C’est une école vivante. Maintenant, nous sommes très heureux que les gens commencent a s’intéresser a la peinture et aux artistes. Je pense que c’est grâce a SM le Roi Mohammed VI qui a donné une impulsion et une vie à l’art au Maroc.

A mon sens, on ne peut pas parler d’une peinture proprement marocaine. Il s’agit d’art contemporain qui se veut universel. De par sa position historique et géographique, le Maroc a été et sera toujours un carrefour ou foisonnent différentes tendances et expériences, ce qui représente un grand moment de partage et d’enrichissement. Dans le cadre de la Galerie Alif Ba créée par Chaibia en 1982, on a oeuvre pour l’ouverture sur des sommités artistiques à l’échelle internationale dans le but de mener a bien une synergie entre les créateurs d’ici et d’ailleurs.

 

Quelle est votre conception de l’art?

L’art ne peut être réalisé s’il n y a pas de création au sens plein du terme. J’estime que cette création se nourrit de l’esprit de liberté et de sincérité. L’art également est le rapprochement entre les peuples. Dans cette optique, je voudrais bien citer ce que disait Feu SM Hassan II dans son discours prononce le 19 décembre 1963, en s’adressant aux artistes lors de la Rencontre Internationale des Arts au Maroc: “Et je leurs dis: dans le domaine de la sagesse, de la vertu et de l’art; il n’y a point de limite à la connaissance et il n’y a point de terme a la recherche. Je les encourage aussi pour qu’ils soient des membres actifs de cette grande famille des penseurs et des artistes qui, lorsque tout semble s’écrouler, restent les amarres entre les peuples, les continents, les religions et les races”.

L’artiste Chaibia a sillonne le globe et a ravi les critiques les plus impartiaux. Ces couleurs ont illumine les différentes capitales des grandes villes modernes et les galeries les plus exigeantes. Quel est le secret de sa célébrité a l’échelle internationale?

Vous savez, le secret de Chaibia est venu avec le travail. C’est une femme artiste qui a travaille tout le temps. Fermée chez elle, elle recevait beaucoup de monde. Dans ses œuvres calculées en nombre d’or, chaque chose était a sa place. Pour elle, la sincérité est importante dans la création. Elle se manifeste en traits et en compositions. Chaque couleur donne une image sur l’artiste. Il faut aussi reconnaître que Chaibia a mené la peinture marocaine a l’universalisme par ses couleurs, ses habits, ses fantasmes, sa bonhomie: “Ce corps enveloppe et enveloppant, archétype même de la maternité, cette voix caverneuse et moqueuse à la fois, ce regard perçant mais bienveillant, cette chevelure noire de chef amérindien, ces caftans et ces coiffes, etc. L’ensemble faisait de Chaibia un personnage charismatique à la limite du chamanique”, écrivait un critique d’art au “Hot News“. Et d’ajouter: “Cette femme qui parle un arabe marocain paysan mais s’exprime librement. Cette analphabète dont tant de grands de ce monde ont embrasse la main”.

Quand le critique d’art et le directeur de section “Art Moderne” à Paris Pierre Gaudibert est venu voir mon travail accompagne de Cherkaoui, ma mère est venue nous montrer une composition complètement abstraite et tachiste sur carton à la manière d’un tapis. A l’époque, il y avait le grand peintre de l’école de Paris Roger Bissière. Par rapport a cette composition, Gaudibert m’a dit: “ce n’est pas une gentillesse que je veux vous dire. C’est extraordinaire ce travail parce que Bissière a passe plusieurs années pour finir avec cette légèreté et spontanéité et je trouve ça formidable”. Il a ajoute: “Tallal, peut être dans les trois mois Chaibia va continuer a peindre. Si elle dépasse les trois mois, elle devient une très grande artiste, mais une chose, ne dit jamais rien à elle”. A titre de consécration, elle a été cataloguée parmi les précurseurs de COBRA (mouvement pictural moderne ne en Europe en 1945. Il préconisait un “art brut“, dépouillé de toute influence historique, culturelle, savante ou environnementale.) dont les ténors étaient Apple, Alechinsky, Corneille et Constant. Elle avait une force au niveau de graphisme et de la couleur brute. Le secret de l’art est la. D’ailleurs, dans les annexes 70, beaucoup d’artistes ont suivi son cheminement créatif notamment au Brésil et a Paris. Toutes ses expositions dans les quatre coins du monde ont été vraiment un énorme succès sur tous les plans. Fidèle à son langage intérieur et à la fraîcheur de ses couleurs, elle a été choisie pour présenter la femme en Méditerranée notamment a Athènes et à Barcelone. Il est a souligner que l’artiste peintre Mao Bennani m’a confié qu’il a fait la queue avec beaucoup de monde à Athènes pour visiter un musée d’art et il a été ébloui le fait de voir qu’il s’agit d’une exposition de Chaibia.

Il est a rappeler également que Cérès Franco, historienne de l’art et fondatrice de la galerie “L’oeil de Boeuf-Paris”, a fait la donation de deux grandes œuvres de Chaibia au Musée des beaux-arts de Carcassonne. Il s’agit de deux œuvres de sa collection audacieuse d’environ 1500 oeuvres ( dans le cadre de la fondation de Cérès Franco, cette collection a été présentée pendant plus de vingt ans dans le village de Lagrasse en Aude). Le nom de Chaibia figure parmi des artistes de renom dont les œuvres allaient à l’encontre des tendances de son époque: Pouget, Rustin Nitkowski, Michel Macreau, Grinberg, Chaibia, Corneille, Hadad, Kabakov, Komet, Lucebert, Paella Chimicos, Christine Sefolosha et tant d’autres…


Entretien réalisé par Dr.Cheikh Abdella

Critique d’art

Source : Syndigate.info / 2014 / Casanet

Bio express

De ses débuts artistiques, Hossein Tallal (né en 1942 à Casablanca) est reconnu par ses pairs. Plus jeune artiste a être auréolé du Grand Prix du Salon d’Hiver du Maroc en 1965 qui mettait en compétition plus de 160 artistes du Maroc et de l’étranger, pour la plupart européens, Hossein Tallal est pris sous l’aile de son ami Cherkaoui. Il intègre alors rapidement le cercle très ferme des critiques et collectionneurs d’art parisiens. Il expose des 1967 a la Galerie La Roue à Paris dont le vernissage a été rehausse par la présence effective d’éminentes personnalités en l’occurrence Jacques Berque et Gaston Diehl et bien d’autres encore. En 1970, ses œuvres ont été sélectionnées au Salon de Mai (Musée d’art moderne) après leur exposition a la fameuse galerie parisienne Vercamer a la même date. Hossein Tallal a participe a plusieurs expositions de grande envergure à travers le monde comme à la Fondation Miro de Barcelone mais aussi au Danemark, aux Etats-Unis ou encore en Egypte. Il reconnu par des critiques d’art de renom, a l’instar de René Huyghe, éminent professeur au collège de France et a l’Ecole du Louvre de Paris et historien de l’art, qui lui avait consacré un texte dans le monumental livre qu’il avait publie sous le titre “les art dans le monde” chez Larousse.