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Incendiaires !

Le 7 juin 1962 à 12h40, un mois avant la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, trois bombes au phosphore, placées par les militants de l’Algérie Française, l’OAS (l’Organisation Armée Secrète), explosent dans le bâtiment abritant la bibliothèque universitaire “BU”, détruisant ainsi un fonds documentaire d’un demi-million d’ouvrages. La Bibliothèque était l’une des plus anciennes et des plus riches bibliothèques du monde arabe et d’Afrique, comptant près de 600 000 ouvrages scientifiques et des manuscrits inédits en arabe et en latin. Cet acte criminel avait pour but de réduire à néant une richesse culturelle et scientifique inestimable, dans le seul but de priver les futures générations algériennes, après l’indépendance, d’accéder à la connaissance et au savoir.

Plusieurs centaines de milliers d’ouvrages ont été la proie des flammes, et l’eau utilisée par les pompiers a contribué à la destruction d’autres livres. Sur les 600 000 livres présents dans la bibliothèque, plus de 500 000 ont été perdus à jamais.

Un Comité international pour la reconstitution de la bibliothèque universitaire d’Alger (CIRBUA) a été créé en décembre 1962, quelques mois après l’indépendance, sous la coprésidence de Mahmoud Agha Bouayed, Noureddine Skander et l’écrivain Jean Sénac. L’architecte Georgette Cottin-Euziol a été chargée de reconstruire le bâtiment, qui a rouvert ses portes le 12 avril 1968.

À ce jour, les fonds détruits n’ont pas pu être reconstitués et l’UNESCO n’a jamais inclus l’incendie de la Bibliothèque de l’université d’Alger dans son inventaire des bibliothèques détruites. Bien que l’UNESCO ait répertorié tous les livres détruits à travers le monde et tout au long de l’histoire, y compris pendant la période coloniale, les livres de la Faculté d’Alger ont été volontairement mis de côté. Il s’agit d’un crime contre l’humanité qui n’est pas répertorié dans le répertoire mondial des bibliothèques détruites.

La France et les nombreux employés français de l’UNESCO vont-ils prendre des mesures pour commémorer ce crime, tout comme ils l’ont fait pour le couscous ? Il est crucial d’ouvrir en premier lieu les archives de l’OAS afin de reconstituer l’ensemble du puzzle de ce qui s’est passé et de ce qui se passe encore aujourd’hui, notamment en ce qui concerne les noms, les ramifications, la poursuite de l’activité de l’Organisation après l’indépendance de l’Algérie, les financements, les relais locaux, les agents infiltrés et surtout les individus locaux toujours actifs.

Il ne s’agit pas seulement du canon de Baba Merzoug, il est également nécessaire de réclamer à l’UNESCO ce qui est dû.

Tarik Ouamer-Ali

 

 

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