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Chaïbia Tallal (Maroc) : La beauté de l’art naïf

Chaïbia Tallal était une artiste autodidacte marocaine. Née en 1929 au village de Chtouka près d’El Jadida , elle s’éteignit en 2004 à l’âge de 75 ans à Casablanca. Elle est considérée comme la peintre la plus populaire au Maroc. Elle est surnommée “la paysanne des arts”.

Comment cette femme au parcours absolument inhabituel avait elle pu garder cette fraîcheur et cet enthousiasme malgré les aléas de la vie; elle fut tour à tour une petite fille de la compagne élevée de manière traditionnelle et destinée à l’accomplissement des travaux domestiques et agraires, jeune épouse à treize ans et veuve prématurée, et chef de famille peu de temps après. Issue d’un milieu totalement étranger au monde de l’art sa carrière fut fulgurante. J. Lévèque exprimait l’idée quelques années auparavant qu’elle n’aurait jamais été reconnue s’il n’y avait pas eu la remise en question de l’art contemporain; cela est vrai pour de nombreux artistes précurseurs comme. Dubuffet ou Corneille. Peu d’artistes connaissent une aussi parfaite adéquation entre leur vie et leur œuvre : si l’on se réfère à des toiles des premières années comme “la femme berbère”, cet embryon aux yeux apeurés qui semble sortir de la gangue originelle et qui s’éveille à la vie, encore emprisonnée dans sa bulle protectrice, Chaïbia y peint la difficulté de naître et de s’exprimer pour une femme traditionnelle. Si l’on se penche sur une photographie de l’artiste à ses débuts, telle celle réalisée pour le catalogue d’exposition de la galerie Solstice en 1966, l’artiste paraît plutôt gauche et timide, coiffée de son bonnet qui lui donne une allure juvénile et compagnarde. C’est ainsi que Chaïbia “se peint”, elle a maîtrisé le sujet; point n’est besoin d’avoir recours à l’illusionnisme pour représenter la femme berbère telle que les peintres orientalistes du début du siècle la montraient avec ses lourdes parures d’argent et les yeux soulignés de khol, ainsi que ses tatouages; celle de Chaïbia des années 1970 est une femme militante, frôle mais dont l’énergie est intacte. Elle entre dans la civilisation actuelle et exprime dans son regard déterminé sa volonté de reconnaissance. Chaïbia n’en appelle nullement à un nouveau réalisme tel qu’il a pu s’exprimer dans la peinture française de Bernard Buffet dans les années 48 ou par les peintres engagés du monde arabe quelques années plus tard.

Chaïbia exprime sa propre vision sans aucun souci d’école. De la même façon la femme d’EL Jadida, cette toile des années 78 qui appartient à la collection de l’Art brut à Lausanne n’exprime pas une représentation de type illusionniste. Elle nous apparaît, telle une Athéna guerrière bardée d’une cuirasse, coiffée d’un couvre-chef de guerrier indien, tenant à la main les attributs de l’Athéna combattante; Un poulpe, symbole souvent employé dans le vocabulaire berbère se tient malicieusement à sa gauche. Un large dessin contour, des couleurs vives sont employées pour signifier cette femme à l’allure combattante. Chaïbïa, dans cette toile nous révèle une femme bien différente des précédentes. La peinture de Chaïbia devient de plus en plus expressive tendant vers l’essentiel : sa propre vision du monde. C’est ainsi que dans les années quatre vingt dix Chaïbia peint de plus en plus de portraits et de groupes où elle ne dépeint plus le réel mais où elle évoque l’impondérable : la fierté de la femme fassi dans “Fassia”, le goût de la fête et le monde ludique du cirque dans sa grande composition “les comédiens”. Chaïbia peint de manière irréaliste, avec un sens humoristique inné. Devenue figure de proue de la modernité et porte flambeau de la femme au Maroc, elle demeure inclassable.

 

Nicole ARBOUSSET 
Paru sur  Albayane le 14 novembre 2010

 



Expositions

1966 – Goethe-Institut, Casablanca – Morocco
1966 – Solstice gallery, Paris – France
1966 – Salon des Surindépendants, Musée d’Art Moderne, Paris – France
1969 – “Ecole marocaine”, Copenhagen – Denmark
1969 – “Kunstkabinett”, Frankfurt – Germany
1970 – “Les Halles aux Idées», Paris – France
1971 – “Dar America”, Casablanca, Rabat, Marrakech, Fes, Tanger – Morocco
1972 – Ventes aux enchères, Drouot, Paris – France
1973 – “L’œil de Bœuf” gallery (CIPAC), Paris – France
1974 – “Ivan Spence” gallery, Ibiza – Spain
1974 – “Salon des Réalités Nouvelles”, Paris – France
1976 – “Biennale d’Art”, Menton – France
1977 – “Salon de Mai”, Musée d’Art Moderne, Paris – France. “Salon des Réalités Nouvelles”, Paris – France
1980 – “Engel gallery”, Rotterdam – Netherlands
1980 – “Fondation Juan Miro”, Barcelona – Spain

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