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Fable : le bourricot, la route, le leurre et l’argent du beurre par Talbi Farid

Encore une fable toute bête de bourricot, sans lequel les chemins complexes qui conduisent sûrement aux grandes œuvres humaines, ou s’en extirpent à bon compte, n’existeraient pas !

Au bas de la montagne dépourvue de végétation, mais terrassée de partout en caveaux  familiaux affirmant l’avènement d’une vie réussie de mort-vivant retraité, des hommes investissent bruyamment le paysage. Apparemment pour édifier une route de plus sur le piémont : s’agitent des ingénieurs, topographes, techniciens, architectes, télévision, journalistes, à pied d’œuvre, chargés donc de déterminer l’itinéraire, bâtir la route, couvrir l’évènement. Beaucoup de monde, des équipements énormes et bizarres, du jamais vu dans le paysage et de mémoire des plus vieux des habitants, s’y connaissant pourtant en matière d’intrusions civilisatrices à travers les âges et de mauvais présages qui leurs collent comme une daâoussou aux basques.

Intrigué, l’autochtone du douar, Da Meziane, interrogea un oiseau chauve, de la bande de mauvaise augure à l’œuvre, un nimbus, ventru, moustache taillée à la morveux, cravaté tergal, assis sur un baril plombé d’oïl, soufflant dans un mezoued un air du folklore, le fameux  «  ma nich menna…aa…aa! », poursuivant méprisant : « ghir el malou li djabni … ».

Puis répondant enfin à Da Meziane, le cravaté en chef  parla en gesticulant large : « mon brave nous allons édifier une route qui vous facilitera le loisir et la vie ! Surtout la nôtre d’existence, car la route en vous rapprochant d’avantage les uns des autres, vous en aurez du grain à moudre, pain sur la planche à maudire ! Et nous la paix  ».

Da Meziane s’étonna notamment d’un tel déménagement et déploiement de bizarreries pour le tracé d’une simple route de montagne, ne servant d’ailleurs plus à rien, vu la désertification, faute de nature nourricière détruite par le béton, vu le nombre impressionnants de jeunes habitants nés handicapés tétra, vu la fermeture de l’usine  d’Etat fabriquant jadis d’huile de coude à l’import-export, vu l’autodestruction des ateliers artisanaux familiaux délivrant parcimonieusement du bon sens en vrac.

Da Meziane piqué au vif, répliqua : « Nous, on fait autrement le tracé d’une route ! On prend un âne bâté et surtout non castré, on le pique sur le derrière, çà emballe  l’électricité des coucougnettes, et là où passe affolé l’animal nous traçons notre voie ! Sans jamais avoir eu à rencontrer de problèmes ! Depuis la nuit des temps ». Et le ventru moustachu officiel, tentant de chambrer Da Meziane : -«  Et quand vous n’avez pas de bourricot, hein ! comment faites-vous ? »

Réplique sèche de Da Meziane, «  Alors, on fait appel à des gens comme vous !!! ».

Depuis le temps, une paie, la nouvelle route n’est toujours pas prête d’être utilisable, la montagne pelée ne cesse de se dépeupler,  les entreprises de constructions se substituant aux ânes de se multiplier, la réserve d’huile de coude à s’évaporer, les bourricots heureux à se la couler douce.

Farid Talbi
email : lyon228ruisseau@yahoo.fr

 

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NB
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