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Jilali Gharbaoui et Abdelkader Guermaz

L’art pictural des entre-deux par Noureddine Belhachemi

Quels rapports en Algérie les plasticiens entretiennent-ils avec ces conformations d’images en expression artistique ? Que n’a-t-on entendu dans les diverses interviews et discours des formules comme «pour moi reproduire le signe sur la toile, c’est se l’approprier, c’est aussi tenter d’en saisir le mystère caché, d’en saisir le sens» ou encore «je répète un geste millénaire par imitation pour le dépasser par ailleurs en le faisant renaitre comme une inscription dans une société transformée où les codes identitaires ne sont plus les mêmes.»

Cela peut friser une peinture de bricolage et de fioritures pour certains critiques mais la présentation outrancière de ce système de signes en peinture d’art peut divulguer aussi une conjoncture pour revisiter cette dichotomie orientale et occidentale chez les peintres algériens. A cet égard, il serait particulièrement utile de réétudier certains écrits tels l’art au Maghreb de Pierre Gaudibert , «l’art contemporain arabe» d’Abdelkbir Khatibi ou bien «mémoire tatouée» concernant la préoccupation perpétuelle du plasticien maghrébin sur les tenants et aboutissants de l’œuvre artistique dans sa forme comme dans son fond.

Lorsque j’abordai, avec mon ami artiste peintre Hellal Zoubir, cet art d’obédience populaire et orientaliste; il me répondait « que la peinture de chevalet au Maghreb est à considérer par individu en fonction de ses sentiments et perceptions propres. Chaque peintre possède sa singulière manière d’expression, donc pas dans le même esprit d’une «école» ou d’un groupe.» D’après lui, on ne pourrait déterminer une approche picturale maghrébine s’il n’y avait des signes conventionnels ou symboles représentatifs malgré les dérivations stylistiques inspirés qui pourront toujours servir d’éléments de références. Il est vrai qu’il n’y a pas de lieu spécifique en créativité artistique ; l’art fait partie de la vie avec ses propres sources passionnées, ensuite, se construit seulement la faveur de la peinture domestique et ses artifices traditionnels. H. Zoubir fait aussi la remarque que les artistes maghrébins ne peuvent créer et faire de l’histoire de l’art avec la philosophie des temps passées. La pertinence de ses propos allait jusqu’à garantir que les merveilleuses peintures rupestres du tassili ont été stylisées spécifiquement, alors qu’elles auraient pu être dessinées réellement.

Ainsi la problématique du plasticien algérien reste ce dilemme toujours embarrassant et récurent de son appartenance identitaire et a quel groupe sociétal est-il affilié; s’il s’inspire fugitivement du patrimoine régional, de l’oriental ou de la calligraphie; il sera étiqueté d’authentique et s’il ne se réclame d’aucune des expressions passées il sera considéré comme étant artiste insolite au dénouement non moins juste et non moins ambigu et suspect.

Faut-il donc choisir entre les deux alternatives, classiques et modernes, ou bien opter pour l’ interprétation et se mettre dans une situation d’artiste contrefacteur, ou autrement contemporain comme depuis les années 50 au risque d’être confondu avec les néo impressionnistes tels les Manessier, Soulages ou Nicolas de Staël. Au risque de se tromper, il semble que la génération d’après guerre en Algérie a naïvement cru qu’en art, il suffisait de décalquer une époque en utilisant des éléments simulés pour recréer des œuvres d’art et bénéficier de la prescription artistique. L’histoire de l’art par documentation peut soutenir qu’il y a en présence une expression de narration sociétale, comme il y a une peinture d’essence spirituelle ou d’esprit contemporain.

En ce contexte, certains artistes «décideurs» ont sérieusement commencé à réfléchir, pas seulement sur la peinture de masse, mais aussi sur l’orientation de l’art au Maghreb en cherchant des repères académiques en de possibles mouvements stylistique d’antan. C’est assez connu , que chercher un style ; c’est considérer la peinture pour elle-même quelque soit son lieu de réalisation ou son espace temporel et il est connu en réflexion chez les historiens d’art qu’ils accrochent toujours les styles « au temps » de leur temps du fait qu’a chaque époque correspond une mode tributaire au marketing et a l’économie de marché et aux nouvelles technologies de l’art. Il parait judicieux de mon point de vue, de replacer le sens des symboles signes dans leur usage uniquement plastique pour mieux saisir la transformation acquise donnant ainsi un exemple sain de la mutation d’une transcription picturale vers une expression artistique moderne même a forte senteur régionale.

lorsqu’une artiste contemporaine, a propos de son travail pictural, maintient que « c’est une trace écrite sur le tissu qui devient acte de transmission et de restitution comme un chemin qui remonterait aux origines de la pensée, afin d’amener un questionnement sur la signification première d’un geste, d’un signe qui a traversée des siècles et qui reste a mon sens empreint d’une force et d’une mémoire collective. » cela devient comme un canevas servant de base de documentation au domaine artistique et ce phénomène reste toujours latent.
Au Maghreb, c’est ce genre de corpus utilisé et représenté à travers la multiplication des œuvres graphiques dotés d’empreintes colorées qui devient plus un creuset d’implication a l’art traditionnel ethnographique qu’a un phénomène de création artistique. Au cours de mes circonspections d’œuvres en expositions, mon attention restait perplexe devant les insuffisances esthétiques par rapport aux discours démagogiques et philosophiques sur cet art des entre-deux. Cela explique le dilemme, que je ne cesse de débattre avec mes étudiants des beaux arts et de l’université en arts plastiques, qu’il est perpétuel et nécessaire de faire la nuance entre la forme de représentation et la forme d’expression plastique. En peinture, comme en littérature ou en musique, ce n’est ni l’image, ni les mots, ni les paroles qui priment mais c’est l’expression, la poésie, la symphonie qui font des impressions émotionnelles.

On sait qu’en art visuel, un pictogramme détermine l’objet réel qu’il veut désigner et l’idéogramme suggère l’idée de la chose que l’on veut enseigner. Alors, s’il y a une perspective artistique à une invitation suggestive par ces signes de référence au Maghreb, a contrario de l’art contemporain, il ne peut y avoir d’ancrage qu’en des espaces définis dans leurs géographies respectives. Il serait quand même juste de rappeler que, dès le milieu des années 50 certains peintres du Maghreb, de réputation mondiale comme Guermaz, Gherbaoui, Khadda, Nja Mahdaoui, Cherkaoui commençaient déjà à interagir vers une totale non figuration par accointance avec l’abstraction lyrique de l’école de paris a l’époque. Certains critiques ont affirmé que cette manière de procédure était bien la seule forme qui permis aux artistes d’Afrique du nord à retrouver leur «équilibre» avec leur propre patrimoine immatériel.

Noureddine Belhachemi
Artiste Peintre, professeur des beaux arts

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