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Photo, Tarik Maref, 2019.

Le statut de l’artiste, un talk-live par le secrétariat d’état.

Le 4 mai de l’an du confinement, une visio-conférence a été organisée par Salim Dada, en sa qualité de secrétaire d’état, chargé de la production culturelle. Ce talk, sur la plateforme Zoom, qui a duré plus de deux heures, avait pour thème “L’ artiste entre l’ innovation et l’endurance” en collaboration avec l’Unesco dans le cadre de l’initiative ResiliArt*.

Un début quelque peu chaotique avec des problèmes techniques, essentiellement liés à la mauvaise connexion internet du Palais de la Culture. Une bonne soixante-dizaine de personnes ont suivi ce débat. Enfin les intervenants ont commencé à poser selon leurs spécialisations. Parmi les personnalités appelées à intervenir :

Maissa Bay, écrivaine et romancière, les éditions chère-feuille étoilée, du livre féminin et animatrice de l’association “mots et écrits” en France. Hakim Tousar, avocat et conseiller juridique et culturel international, ancien directeur général de l’office national des droits d’auteur et des droits voisins. Mounes Khammar, scénariste, réalisateur et producteur, fondateur de la société de production de cinéma et audiovisuelle “Savina Brod”. Ayad Ziani Cherif, acteur et réalisateur de théâtre, fondateur et directeur de l’équipe de théâtre “Gosto”, membre du conseil national des arts et de la littérature. Zahia Ziouani, musicienne et fondatrice de l’orchestre symphonique “Devertimento” dans la banlieue parisienne. Imad Alibi, musicien percussionniste tunisien, conseiller culturel et directeur technique pour plusieurs festivals en France, Tunisie et Maroc, directeur du Festival International de Carthage. Brahim El-Mazned, directeur et fondateur de “Visa for music”, entrepreneur culturel marocain et organisateur de grandes manifestations culturelles, membre de la banque d’expertise de L’Union Européenne / Unesco. Christine Merkel, directrice du département de la culture allemande “mémoire du monde”, membre de la banque d’expertise de l’Unesco experte dans les conventions de L’Unesco 2003 et 2005, ancien membre du Parlement européen. Et Toussaint Tiendrebeogo : Secrétaire de la convention de l’Unesco 2005 pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Sur un mot d’ouverture de la Ministre de la Culture, Malika Bendouda, puis d’une introduction aux sujets à aborder lors de cette première séance, à savoir, “les droits sociaux et économiques de l’artiste” et la “culture dans l’environnement numérique”, nous avons appris que l’Algérie a été le premier pays de la région MENA à entamer ce genre de discussion groupée via les plateformes de meeting live. Puis, les intervenant se sont succédés pour apporter leur pierre à l’édifice en difficulté qu’est la Culture dans ce pays et surtout en cette période confinement.

Ainsi, H. Taousar a ouvert le bal en énumérant l’historique des lois et décrets relatifs aux droits d’auteur, à la création de l’Onda(1) en 1973, à la création du Cnal(2) en 2012. Ensuite, Brahim El Mezned a paris la parole pour brosser la situation du Maroc en matière de statut de l’artiste, établi en 2003, des subventions octroyées à certaines conditions et des cartes d’artiste depuis 2017 où les artistes bénéficient de royalties de leurs œuvres déposées. Il également précisé que le bureau des droits d’auteur existe depuis 1965. Puis, Imed Alibi, selon son expérience tunisienne, a soulevé le fait que les lois des années 60 posaient un réel problèmes aux artistes actuels, qu’il existe incontestablement un décalage avec la jeunesse. Il a dressé une liste des manques dans le domaine, à savoir, la difficulté de la mobilité, le manque d’infrastructures, de lois. Aussi, il a insisté sur le rôle éducatif et de sensibilisation car l’art et la culture ne doivent pas être vus comme un divertissement mais comme une industrie culturelle avec une valeur économique. Maissa Bey a souligné deux aspects importants, la reconnaissance et la protection. En posant la question de qui a le droit à cette carte d’artiste, sous quels critères et par qui elle est donnée ? Par ailleurs, elle a évoqué la protection juridique afin de respecter les contrats. En cas de litige, existe-t-il un organisme qui s’auto-saisit, l’artistes doit-il seul aller porter plainte? En donnant l’exemple de ce qui se passe en littérature, que la majorité des écrivains étaient obligés d’avoir un travail à côté pour subvenir à leurs besoins parce qu’il était courant qu’ils ne perçoivent pas leur due car il n’y a pas de gage de surveillance sur les ventes. Zahia Ziouani a ensuite parlé de son expérience de création d’un orchestre symphonique en zone périphérique, de la difficulté de travailler dans ce milieu en tant que femme et de la nécessité faire entrer ce projet dans le cadre d’une association avec des membres permanents payés et des intermittents du spectacle. Ayad Ziani Cherif a, quant à lui,  mis en évidence les entraves de la vie théâtrale précaire aussi bien dans le secteur public que, plus tard, dans le privé.  Enfin, Christine Merkel avait parlé des nouvelles recommandations de l’union européen concernant le cadre juridique du statut de l’artiste avec une étude qui est en train de se faire. Dans un autre ordre d’idée, Mounes Khammar a parlé du champs cinématographique et plus largement e la condition de l’humain. Et le dernier mot était celui de Toussaint Tiendrebeogo qui avait salué l’initiative de l’Algérie et de son Ministère d’avoir mis sur pied cette première séance et qui répond totalement aux attentes du programme de l’Unesco.

L’aspect sur le numérique a été assez bref sur la durée. Salim Dada a cité les efforts entrepris par le ministère sur ce volet, ainsi que l’utilisation du numérique pour les conférences organisées par la direction du patrimoine mais aussi des différents dispositifs mis en place par les organes de formation supérieure du ministère  : l’ESBA, l’ISMAS, l’ENCRBC, et l’INSM (3). Il a été question également de l’utilisation des plateformes numériques Youtube, Facebook, Tweeter, Instagram par les artistes offrant des prestations pendant le confinement.

Imad Alibi et Maissa Bey ont rappelé à quel point la gratuité n’est pas garante de solution à long terme. (En effet, des études ont prouvé que la gratuité d’accès à la culture, n’aide pas à avoir plus de monde ou une prestation de meilleure qualité, un dicton algérien dit bien El batel yebtal). Aussi, ils ont signalé que c’était sympathique les premiers jours d’avoir des “shows” en live de musiciens, des livres téléchargeables gratuitement (parfois sans en aviser l’auteur), mais que ces artistes ne pourront pas le faire longtemps, pour la simple et bonne raison qu’ils ont besoin de vivre et donc de gagner de l’argent. Tout travail mérite salaire. 

Enfin, les participants ayant juste suivi le débat n’ont pas eu droit de prendre la parole en direct. Ils ont posé leurs questions par écrit au secrétaire d’état, tel a été le cas sur le rôle de l’Onda et l’éventuel changement de fonction, de statut et de missions selon les événements et les situations. Alors que Hakim Taousar y a vu l’occasion de rappeler que lors de cette période de précarité extrême l’Onda avait débloqué un budget pour venir en aide aux artistes dans le besoin grâce aux directives du Ministère de la Culture. Ayad Ziani Cherif y a vu justement dans cette question l’occasion d’évoquer le rôle principal de cette institution qui devrait déjà reverser la redevance de la diffusion des créations aux artistes. Sans donner de l’argent ou organiser des événements. 

Ainsi s’achevait cette première séance et qui en annonce une deuxième sur la thématique des arts visuels et des cartes d’artistes dans une semaine. En attendant, nous retiendrons les obstacles communs à toutes les disciplines du monde l’art et de la culture. Les responsables doivent absolument comprendre que l’art n’est pas un hobby mais peut représenter une source de profits rivalisant avec d’autres secteurs. A titre d’exemple, la culture contribue 7 fois plus au PIB français que l’industrie automobile avec 57,8 milliards d’euros de valeur ajoutée par an. Le rapport de l’Unesco (4) de 2015 sur les industries culturelles et créatives nous apprend que les secteurs qui rapportent le plus dans le monde sont : la télévision, les arts visuels puis les journaux et magazines. L’Amérique du Nord est en tête du classement avec 620 milliards de dollars soir 3,3% du PIB régional.

Sur le continent africain, le Nigéria est le pays qui fait le plus de bénéfices grâce à une production cinématographique en cesse en développement, ce qui commence à être connu par ce néologisme le Nollywood. Les industries culturelles représentent 2% de son PIB. Alors que la moyenne est de 1,1% du PIB sur le continent. On pourrait citer l’Afrique du sud ou encore l’Egypte. Il est quasiment impossible de quantifier ce que cela représente en Algérie à cause de l’économie informelle, du manque d’encouragement de l’activité artistique, de valorisation de la culture, d’insuffisance de vision et de perspectives. Bien des défis restent à relever.

 

Amel Djenidi

 

https://fr.unesco.org/creativity/news/resiliart-artistes-creativite-dela-de-crise

(1) : Office national des droits d’auteur et droits voisins

(2) : Conseil national des arts et des lettres

(3) : Ecole supérieure des Beaux-Arts, Institut supérieur des métiers des arts du spectacle, Ecole nationale de conservation et de restauration des biens culturels, Institut national supérieur de musique. 

(4) https://fr.unesco.org/creativity/sites/creativity/files/un_monde_tres_culturel._premier_panorama_mondial_de_leconomie_de_la_culture_et_de_la_creation.pdf