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“MÊME L’ENFER EST PAVÉ DE BONNES İNTENTİONS” par Farid Saâdi-Leray

Je viens de rapidement lire le document de 19 pages dénommé “Plan d’action pour la création d’un marché de l’art en Algérie et la promotion de la production culturelle et artistique”. Ma première remarque a trait à l’absence du patronyme des membres constituant le Comité en charge des arts et du “marché des arts”. Supposés être les scribes dudit compte rendu , ils se seraient ainsi volontairement effacés de l’éloge final au profit de Malika Bendouda, la première à avoir eu l’honneur de détailler, le samedi 10 octobre 2020, les grandes lignes du vaste projet. Dans ce dernier, tout n’est pas à rejeter avec “l’eau du bain” ou de manière systématique comme le fait Ammar Kessab, le plus souvent présenté au titre d’expert international en politique et management culturel. Selon lui, en l’absence de vision stratégique globale, le plan d’actions se borne “à des propositions de nouveaux organismes et de lancement d’évènements culturels, (cela) sous la houlette (…) des autorités publiques. Rédigé de l’intérieur de l’appareil officiel, il ne représente donc rien de nouveau, et encore moins une rupture avec le passé, (tant) la question essentielle reste de libérer l’initiative indépendante”, tant est renforcée au contraire la “mainmise du ministère de la Culture sur les affaires culturelles, ce qui empêche, par essence, la création d’un marché de l’art en Algérie”.

Non, la prégnance officielle et administrative n’est aucunement le facteur prépondérant de son faible développement, lequel a trait à l’absence d’érudits en mesure de soutenir financièrement et intellectuellement les quelques plasticiens dignes du label “créateur”. Le manque de bibliographies exhaustives, d’historiographies artistiques élaborées à la suite d’études approfondies, de critiques d’art charismatiques, d’analystes capables de saisir les frémissements d’une césure paradigmatique ou performative a pour sa part creusé davantage le faussé séparant les protagonistes algériens de leur alter égos européens ou occidentaux. L’enseignement confus dispensé au sein d’une Ecole des Beaux-Arts d’Alger qui n’a de “supérieure” que le nom , qui de plus minimise l’acte original subversif en vertu de la sacro-sainte authenticité culturelle ou patrimoniale, voire du décoratif condescendant, renforce le décalage géographique, temporel et conceptuel. L’autoritarisme, la corruption systémique, les régulations économiques coercitives empêchant les entrepreneurs innovants à s’exprimer, et les poussant à s’exiler, auront porté le coup de grâce à tout essor artistique, autre point qu’ignorent pareillement les auteurs du manuscrit. En son sein, le volet consacré à l’accoutumance artistique ou à l’apprentissage des jeunes algériennes et algériens a néanmoins retenu positivement l’attention du sociologue que je suis. Il mérite de revenir ultérieurement, et plus profondément, sur le sujet et une initiative générale a également examiner de plus près.

Saâdi-Leray Farid.
Sociologue de l’art et de la culture. Le 13/10/2020

 

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* document “Plan d’action pour la création d’un marché de l’art en Algérie et la promotion de la production culturelle et artistique”