Rachid Nacib est plasticien et photographe, né le 30 janvier 1963 à Dar el-Beïda (Alger), il est diplômé de l’école nationale des beaux-arts d’Alger (1984) et de l’école supérieure des beaux-arts d’Alger (1992). Il vit et travaille en France et puise son inspiration aux sources de son pays d’origine. Ses œuvres sont le témoignage de sa sensibilité. Rachid, c’est avant tout une rencontre humaine, sincère et animée par la passion de l’art. Sa démarche artistique des plus singulières se nourrit de choix esthétique et immatériel unique. Sa photographie lui ressemble et il la vit avec une passion débordante comme en témoigne cette entrevue réalisée par Yazid Kheloufi pour la revue Adonisat.
Yazid kheloufi : Merci Rachid Nacib de bien vouloir accepter cette entrevue. Peux-tu te présenter à nos chères internautes ?
Rachid Nacib : Je suis né en 1963 près d’Alger , où j’ai passé l’essentiel de mon enfance dans une famille modeste axée sur des valeurs culturelles ,de tolérance , de partage et de patriotisme ,par ailleurs je suis diplômé des beaux arts ESBA d’Alger en option arts plastiques ,à ce stade là je commençais à réfléchir sur la matrice de l’art et faire des études comparatives entre l’art africain et un process que je commençais à développer sur le détournement d’image,une jonction entre la photographie et la peinture ,ce travail m’a permit d’exposer à l’expo universelle de Séville en 1992 à coté de mes aînés.
Yazid kheloufi : On sait que tu es fasciné par les fresques rupestres du Tassili, de quelle manière es-tu venu à la photo ? Racontez- nous.
Rachid Nacib : j’ai un intérêt particulier pour l’art rupestre du Tassili car j’estime que tout a commencer sur ces rochers et dans ces grottes, nos ancêtres arrivaient à traduire leur vie et leur environnement avec des dessins et quels dessins? L’Art permettait à mieux comprendre à se poser des questions. Depuis ma tendre enfance je jouais avec un boîtier (Zénith) sans film, je m’amusais à cadrer et à entendre les clics, aux beaux arts, on apprenait la critique et aiguisait l’œil.
La photographie semble avant tout pour toi « sociale » tes images sont des mini-fictions bouleversantes qui témoignent d’un certain mal de vivre. Parlez-nous de cette approche, de cette réflexion complètement nouvelle?
Mon regard est plus porté sur des choses simples de mon environnement qu’un regard direct sur la société ,des choses deviennent idées artistique ou esthétique auxquelles s’ajoute un sens car j’estime que toute chose a un sens ou dans certains cas c l’image qui donne naissance au sens, d’autres parts les références à l’histoire de l’art en particulier la peinture sont souvent évoquées, puisque elle fait de nous ce que nous sommes ,elle nous préparé et nous ses héritiers, dans certaines photos la référence va au claire obscure de la renaissance Italienne au gréco l’ancien Rembrandt etc.. J’aborde ce travail (la photo) avec un regard de peintre, y’a pas de distance entre la photographie et la peinture, mes références vont aussi chez les pictorialistes anglais et français de fin 19ème Siècle qui eux mêmes étaient des peintres.
Vue l’importance de l’utilisation du médium photographique dans la dissémination du discours social, as tu besoin de connaître les gens que tu photographies? Que change la relation personnelle à ton approche de la photo ?
La photographie me permet en tant que plasticien de travailler beaucoup plus et me met sur plusieurs expérimentations que je développe, y’a certains sujets je les préfère en photo brute sans effet supplémentaire extérieur, j’entends par là projecteurs, vitres opaques, rodoides (films plastiques colorés) etc.… Comme le phototype aussi un process que je travaille depuis plusieurs années qui consiste à retravailler une photo (support) pour obtenir un résultat proche de l’estampe. Par conséquent je ne veux pas me limiter aux aspects techniques, je veux atteindre le secret, toucher à l’invisible une sorte de clef de voûte pour comprendre plus, pour toucher la différence ,tell est ma quête ,le résultat est plus important que la technique car elle reste toutefois comme un mythe,y’a autre chose de plus profond ; concernant les portraits beaucoup d’entre eux sont des portraits faits par d’autres artistes d’aujourd’hui ou d’avant, une idée de vouloir réactiver ou réactualiser des concepts un peu ce qu’on trouve dans le pop ‘art, les nouvelles technologies permettent cet accès avec une grande liberté à l’actualité et aux images, donc mes personnages varient en fonction de ce que j’ai envie de faire.
Nacib Rachid, Stations de l’émir, 80 cm x 70 cm, 2001
Technique mixte sur toile montée sur châssis en bois,
(acrylique encaustique, encre d’imprimerie et transferts d’images
Dirais- tu que ton travail photographique notamment dans tes dernières séries est un travail “pictural” ? Parlez-nous de cette relation et les éléments qui composent ta photo comme un tableau ?
Comme je l’ai expliqué ci-dessus, je suis peintre/plasticien avec des réflexes et gestes de peintre, je ne suis ni photographe de presse ni de mode, je traduis avec souvent des boîtiers simple bons marché des situations qui en créent d’autres, mes photos ressemblent aux tableaux, souvent ils sont de grands de formats, dans certains je les retravaille comme un tableau en utilisant des médiums universels, ceci étant, mais l’œil que je développe est inquisiteur, la photo ce n’est pas une idée qui m’est venue, c’est quelque chose de fortuit, je me confronte à une façon différente d’aborder et d’envisager le soi, l’autre, c’est ça la profondeur de la question et la forme de la réponse, dans la plus part des cas, mon travail révèle une certaine réalité/vérité de sensation et d’émotion, la quête permanente d’exploiter de nouveaux territoires graphiques.
On sait souvent que chaque travaille artistique et précédé par une réflexion, une vision…ton travail s’appuie sur plusieurs références culturels, et qui révèle du spirituel … Qu’elle et la place qui occupe le patrimoine algérien dans ton travail ?
Mes références vont surtout vers l’histoire de l’art et l’histoire de la photo, l’histoire universelle aussi nourrit mon univers, chaque travail démarre d’une idée pendant ou avant l’œuvre, une pensée, une lumière, l’être humain aussi occupe une place importante dans sa complexité et dans son évolution incroyable dans le rapport espace /temps; l’émir Abdel Kader un personnage important peu connu dans sa facette d’homme, poète et universaliste, voilà un algérien d’un autre contexte qui s’est intéressé à la photo en la définissant comme lumière divine sur un support blanc qui donne corps à des représentations, lui un soufi un mystique de la lignée du cheikh el Akbar Ibn Arabi, que l’Émir a rêvé, durant cette apparition l’élève demande au maître de l’enseigner davantage et le maître répondu avec; « ce que tu cherches est devant toi » un appel à l’intelligence transcendante, à la réflexion voire “ijtihad“. Mes références sont aussi dans l‘art populaire, dans l’architecture et la poésie mais rien ne m’empêche de m’intéresser à d’autres espaces de la famille humaine, quand on est artiste, on est d’ici et d’ailleurs, on voit et nous voit.
Revenant à la spiritualité, la photographie, art sensible aux moindres fluctuations de lumière, puisse capter les pérégrinations de l’âme ?! Expliquez-nous.
En considérant le travail comme méditation c’est déjà de la spiritualité, s’ajoute une perception du temps et des choses, c’est quand l’idée et la forme font corps et respirent d’un seul poumon, le papier et la lumière, la projection de cette dernière est source d’images comme c’est elle qui définie la forme et la couleur.
Tu aborde le vécu, l’instant… tes tirages montrent la remise en question permanente de l’équilibre de l’homme, et son éternelle bataille pour le rétablir, cette approche de la création rappelle à bien des égards la démarche des artistes symbolistes… Que représente pour toi ces titres : femme bleu, femme oiseau, femme poisson tête d’escargot, es ce une naissance qui s’annonce, expliquez-nous ? Il y a toujours un élément triste ou nostalgique dans tes photos… Me direz-tu ?
C’est possible, quelque le sujet traité j’essaye d’être en harmonie avec moi-même et saisir la lumière qui fait le sujet dans sa pure substance, on traduit son univers avec ce qu’on a sans chercher à sophistiquer quoique se soit.
Nacib Rachid, T.M sur toile, 40 cm x 30 cm, 2006
La photographie et l’art contemporain, dans ce contexte comment vois- tu cette relation, et quel sont encore les freins au développement de cette tendance en Algérie?
La photographie connaît un essor extraordinaire et sur le plan de l’avancée technologique et en qualité, le principe fondamental reste à mon avis le sentiment de liberté dont jouissent les artistes, d’un autre coté la photo en tant que médium est inscrite dans l’art contemporain et elle est un art plastique à part entière puisque la plupart des plasticiens pratiquent la photo avec des aspects et des approches différents, concernant sa pratique en Algérie en dehors de la liberté d’usage dans l’espace public, un art méconnu du grand public d’où l’absence d’évènements sérieux et d’espaces d’expositions, la photo connaît les mêmes obstacles que les autres arts plastiques, ça d’une part, d’autres part on constate une pratique évolutives chez certains photographes surtout chez les jeunes, le problème de fond reste essentiellement comme chez les plasticiens : le langage plastique et l’attachement à un esthétisme ambiant, l’écriture par l’image picturale, comment aborder une idée? Créer des débats constructifs autour de la politique, la philosophie, la poésie, parler de la substance, former des journalistes spécialisés et pourquoi pas des critiques d’art, je reviens sur l’aspect technique que se soit en peinture ou en photo préoccupe beaucoup nos artistes, il faut qu’on arrive à dépasser cet aspect des choses, du point de vue artistique on peut arriver à faire la différence et compter parmi les meilleurs.
Comment vois tu évoluer ta recherche photographique ces prochaines années ?
Mon travail évolue chaque jour et à chaque rencontre, je compte arriver à toucher à l’essentiel que sur le plan philosophique que sur l’aspect des images que je compte fabriquer, j’essaye de me focaliser sur des thématiques liées à l’environnement et à la spiritualité, sur le plan de la représentation je fais de la photo et de la peinture un seul corps qui évolue dans le et dans l’espace, bien sur en comptant éditer des livres de photos d’art.
Que penses-tu de « adonisat » ?
Adonisat est à encourager car il peut devenir le leader de la critique et de l’information en matière d’art visuel, je lui souhaite une longue vie et beaucoup de bonnes rencontres.
Merci Rachid, je te laisse le dernier mot pour finir ?
Le meilleur reste faire.
Entretien réalisé par Yazid kheloufi
adonisat, 2013
Rachid Nacib et Yazid Kheloufi, Alger, 2013
A son actif plusieurs expositions individuelles : Blida 1985 ; Alger 1987, 1991, 1993, 2005, 2010, 2011, 2013 ; Mont-St- Vincent 1995 ; Paris 1996, 2001, 2007 ; Macon 1996 ; rosny 2002 ; Clichy 2003 et à Cucurron (Vaucluse) à la galerie Rachid Nacib de 2008 à 2013 ; Alger, galerie Art 4 you, 2011.
“Des pierres, des fleurs et de l’amour bien sûr” de rachid Nacib et Nadir Boumaza (ed. Dalimen, Alger 2007).
Prix et récompenses
– Prix national des arts plastiques (Alger 1993)
– Médaille d’Or du Salon d’art contemporain de Clichy (1996)
– Médaille d’argent du Salon d’art contemporain de Paris (1997)