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Révolution du sourire - Photo de Houari Bouchenaki - Collectif 220 - Alger - 12 avril 2019

Les mardis c’est permis : Un peuple artiste par Neila Djedim

Depuis le 22 février 2019, beaucoup d’événements populaires se sont succédés, nous démontrant que, toutes les opinions que nous nous faisions des algériens, relevaient plutôt du cliché que de la réalité. Nous nous sommes rendus compte que nous connaissions très mal notre société et particulièrement notre jeunesse. Finalement, combien d’études se sont penchées sur la question des expressions lors des manifestations des vendredis sur tout le territoire algérien.

Au delà des chants et rythmes issus des stades ou des tubes musicaux plus ou moins récents qui dépeignent la vie de cette jeunesse au pays, leur détresse, leurs espoirs, leurs amours et leurs déboires ; des talents des arts du spectacle se sont manifestés durant les rassemblements hebdomadaires. Ainsi, nous avions eu l’occasion d’assister à des pièces de théâtre (El Houria) en pleine rue d’Alger (Fig.1), à des danses endiablées mais pas seulement. En effet, le peuple a déjà attiré l’attention des médias internationaux concernant leur ingéniosité à trouver des slogans et des pancartes tous plus inventifs les uns que les autres. L’humour omniprésent dans l’esprit algérien, a ébloui plus d’un qui méconnaissait le tempérament humoristique naturel. Le rire soigne et libère. Cette révolution est, indéniablement, celle du sourire. Il s’agit bien d’une libération physique, mentale et accessoirement, artistique.

 

 
Fig.1 : Pièce de théâtre El Houria, photo de Ayoub Rahmoune, Alger, 29 mars 2019.
 

Parmi les artistes plasticiens, Houari Bouchenaki, photographe de Tlemcen, à 500 km à l’ouest d’Alger, a depuis le début de ce mouvement couvert ces événements à Tlemcen, à Oran et à Alger avec de magnifiques photographies prises sur le vif (Fig.3). Témoignages visuels de moments historiques non sans esthétisme, le plus souvent en noir et blanc, comme pour l’inscrire dans le répertoire de l’archive.

Autres temps forts de ces vendredis de la dignité et du sourire, des performances qui ont été appréciées très chaleureusement par les manifestants. D’abord, l’image (prise par Ranougraphy) qui a fait le tour de la toile, celle de la danseuse classique, Mélissa Ziad, ensuite, la performance d’une Princesse nommée Koukou (Fig.2). Personnage très mystérieux, représentant la figure d’une sorcière, haut en couleurs et qui a décidé d’arpenter les rues d’Alger le 8 mars dernier. Cette performance a été marquée par la date symbolique pour le combat des droits des femmes mais aussi en tant que revendication d’être président. Finalement, pourquoi pas une femme présidente pour cette nouvelle Algérie en plein changement. Les manifestants, de tout âge et de tout sexe, ont très bien reçus cette acolyte particulière. Princesse Koukou aura tout de même le mérite de nous remettre en question sur ce que nous sommes prêts à bâtir pour l’avenir. La princesse n’a surement pas dit son dernier mot, quels seront ses prochains vœux ? A quand ses prochaines sorties ? Nous ne l’avons plus revu depuis…

 
Fig.2 : Princesse Koukou, Photo de Ziad O-A, Alger, 8 mars 2019.
 

Nous étions habitués aux différents tags sur les murs, pour crier son amour, ses aspirations comme le message très poignant dans une cité qui disait :

Pour la première fois

je n’ai pas envie de te quitter

mon Algérie

Et enfin du Street Art se fait dorénavant par le peuple qui s’entend (avec les propriétaires) sur des pans de murs en ville et décide de le peindre. Ainsi, une initiative a été entreprise toujours au centre d’Alger, escalier Maurice Ravel menant au Boulevard Mohamed V,  où on a pu voir des expressions graphiques très intéressantes sur des volatiles. Quoi de plus symbolique encore une fois que des oiseaux pour enfin déployer ses ailes et s’envoler.

 
Fig.3 : Révolution du sourire – Photo de Houari Bouchenaki – Collectif 220 – Alger – 12 avril 2019

 

 

L’adage dit : ” La caractéristique de l’artiste, c’est le mécontentement”, alors chers indignés! Levez-vous et créez!

Neila Djedim