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Quelques membres du Groupe Aouchem, première exposition, Alger, Galerie de l’UNAP, 1967. De gauche à droite : Choukri Mesli, Mustapha Adane, (debout), Saïd Saïdani, Mohamed Benbaghdad et Denis Martinez (un genou à terre).

La peinture Aouchem : un patrimoine visuel en question (s) par Belhachemi Noureddine

L’Algérie est un pays plein de mystères et de différences, à la fois stable et changeant,  empreint de croyances et curieusement superstitieux ; un pays enfermé dans ses frontières,  retranché derrière le Sahara, les hauts plateaux et la méditerranée, mais hantée sans cesse parl’  « étranger ». Un pays qu’on essaya vainement de fasciner, mais qui résista contre toutes les  influences. Aux peuples qui l’ont occupé, aux populations venues d’Orient et d’Europe avec  des principes nouveaux, l’Algérie ne garda que ce qui servait à épargner sa particularité.  

Il en fut ainsi de ses mœurs, de ses traditions et de son art. Par des traces, des symboles  sur les bijoux, des marques sur le cuir et costumes ou sur la surface de son corps, le  maghrébin a toujours porté les signes d’une magie naissant d’une géométrie secrète dont  l’expression exprime souvent ses croyances et rites anciens. Appréciations de l’ère  phénicienne, berbère, africaine, orientale ou d’ailleurs, elles se sont déposées en mémoire  dont se sont imprégner nos esprits, nos villages, nos langages et finalement notre expression  artistique.  

Depuis les découvertes des magnifiques peintures rupestres du Tassili ; notre patrimoine  a vécu et s’est formé au gré des multiples civilisations. De Tyr (inscrite depuis 1984 sur la  liste du patrimoine) à Byzance puis Rome et bien plus tard l’islam, Les vestiges nous restent  témoins de leur époque à travers les traces et empreintes a même les roches et pierres  durables. Les dessins du massif montagneux n’Ajjer, unique au monde de par leur qualité et  leur nombre, les peintures murales des Ouahdias, les arts traditionnels des Aurès, du sud, les  alphabets du Hoggar ; le tifinagh alphabet touareg ancien sont devenus un élément dominant  de notre culture ancestrale. 

Les différents brassages des groupes ethniques à travers le Maghreb ont favorisé  l’amélioration et la transformation des signes de représentations. Actuellement tous les gestes  et pratiques employés en art plastique en Algérie sont sous tendus par les résurgences du  passé. Depuis assez longtemps, des références graphiques figurent sur les poteries, les  tatouages et les tapisseries qui sont tissés de laine avec des réminiscences aussi.  

Au Maghreb, dans les régions berbérophones riches en système de signes et de  symboles puniques libyco-berbères ; les combinaisons graphiques deviennent un participe  indubitable a toutes les représentations picturales. Ces alphabets nés d’une transcription  permanente ont la spécificité d’être parmi les plus anciennement développé dans le monde  contrairement à l’écriture calligraphiée ou la miniature enluminée prescrite sous la bannière  des conquêtes musulmanes. Il semble clair qu’en ce patrimoine artistique, les empreintes  rituelles graphiques, décoratives ou conceptuelles demeurent des éléments précieux et  distinctifs par leurs compositions.  

Prosper Ricard (1874-1952) découvre l’Algérie en 1899 avant de s’y installer en 1910  pour devenir ‘‘ inspecteur délégué pour l’enseignement artistique et industriel dans les écoles  indigènes d’Algérie’’. Il a été le chantre des arts d’Afrique du nord et fin connaisseur de  l’artisanat indigène sous tous ses aspects. Il soulignait dans un texte du fond d’archives  intitulé « le génie inventif des arts décoratifs africains » que : ‘‘….. moi qui les ai vus à  l’œuvre pendant cinquante ans, je puis attester que, sans s’astreindre à copier des œuvres  déjà existantes, il en est qui se sont montré capables de réalisations très personnelles. Cela tient parfois du prodige……Ont tous eu, à des degrés divers et à maintes époques, des  représentants justement réputés pour l’originalité de leurs œuvres.’ (1). 

La peinture ne devient véritablement un procédé artistique que plus tard vers la fin du  19ème siècle. Dès lors, on comprendra l’engouement et l’intérêt porté jadis par les peintres  voyageurs, depuis la conquête napoléonienne en Egypte puis la colonisation de l’Algérie en  1830.  

L’art se développait par ses propres fantasmes, sans calcul ni spéculation avec sa propre  condition libre et son écriture pictographique sinon idéographique qui reconvertissait des  objets en signes ambigus voire ésotérique. Subissant consciemment ou non d’autres  conformations des mains du potier, du tisserand, du lissier ou du peintre pour devenir plus  imprécis, plus vague au fil des temps…elles nous reviennent par des conséquences qui se font  d’elles-mêmes sans aucun choix délibéré et tributaire d’une incertaine attirance géographique. 

Après les années 20, avec le surréalisme et ses imaginations, les genres picturaux  commencèrent à s’accélérés dans une véritable révolution artistique. Les manières de voir et  procédures de faire deviennent autres. La métamorphose de l’art, rendue possible par  l’informel conduira alors vers d’autres formules de reconnaissance. Ainsi, les aléatoires grilles  de lecture liées à l’art du 20ème siècle encouragent un retour sinon un repli aussi vers des arts  autochtones très anciens. 

Alors que des artistes accueillent avec enthousiasme les conceptions de l’art moderne et  tendent à élargir ses conformations, quelques praticiens algériens, épris d’une grande culture  africaine, s’encouragent à réactiver le champ artistique local en redynamisant des pratiques  rituelles décoratives.  

Notre recherche se propose d’étudier ce nouvel agencement patrimonial dans le cadre des arts plastiques et de ses évolutions socioculturelles. Cela interpelle forcement des analyses  à faire, autour des correspondances interactives des productions picturales. Il convient  d’expliquer que notre étude ne consiste pas à réaliser un travail sur la peinture algérienne mais  à s’intéresser aux primitives assignations se rapportant aux premières expérimentations  artistiques locales où figurait comme par exemple le mouvement du Groupe  Aouchem(Tatouage) en 1967. 

Cette étude en art sur l’expression par des signes traditionnels s’avère complexe en  raison de plusieurs points ; un processus artistique modérément nouveau, une visualisation  proche des arts populaires, une insuffisance d’expertise ainsi que le champ culturel qui porte  en lui-même beaucoup d’incertitudes éveillant moult interrogations. L’intérêt étant de repérer  les liens de renvoi avec certaines pratiques manufacturières traditionnelles qui réalisent  l’interdépendance avec la démarche artistique Aouchem.  

Comprendre les enjeux, les imputations et l’évolution dans la peinture Aouchem,  permet de mieux capturer les dispositifs de cette mouvance artistique.  

Apparemment dans cette mouvance artistique, les symboles et outils ethnographiques ne  deviennent plus des objets comme finalité d’expression, cependant, les transmutations, les  conversions graphiques et interprétations permettent une omniprésence qui souscrit à  l’installation d’un art local nouveau. 

Quoi qu’il en soit, au Maghreb, la peinture Aouchem doit être abordée à partir des  aspects de ses outils conceptuels, de leur évolution et des notions esthétiques s’y rattachant. Il  s’agit de comprendre, non pas la configuration symbolique des différents signes structurant la  forme représentative mais la correspondance avec l’« écriture » artistique contemporaine. Le style formel ne tarda pas à enrichir et à rendre très importante cette catégorie de peinture.  Celle-ci sera néanmoins interrogée aussi quant à son implication dans le patrimonial, car elle  procède d’une formulation inspirée du culturel local.
  

La peinture Aouchem, expression picturale ou art vivant  

Si nous remarquons aujourd’hui dans les pratiques de représentations l’importance des  caractéristiques iconographiques ou de style, cela explique l’influence des arts traditionnels et  populaires. Il apparait nécessaire de comprendre quelle ascendance introduit ce corpus et à  quelle cohérence il obéit.  

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la lutte de libération a débuté en Algérie  le 1er novembre 54 pour aboutir après de lourds sacrifices à l’indépendance en 1962. C’est  aussi la découverte de la liberté avec toute son autonomie culturelle et artistique. L’état des  lieux sociaux laissé par l’occupation n’a d’égale, dans le conscient de la population  algérienne, que la misère, l’inaptitude et l’inexpérience. 

Avec l’indépendance, c’est le tournant culturel et l’éclosion d’une nouvelle expérience  artistique algérienne défroqué partiellement de la tutelle étrangère. En conséquence, plusieurs  artistes, désorientés par de multiples tensions et contradictions, commençaient à se  questionner sur leur patrimoine culturel déjà fortement métissé. Cette situation conflictuelle,  commençait à faire apparaître de grandes divergences entre artistes dans le domaine des  beaux-arts et de la peinture.  

Soulignons, quand même, que la génération algérienne des années 30 tels : Baya,  Guermaz, Benanteur, Issiakhem, Benmansour, Mesli, Khadda, Aksouh, entre autres ont  déjà eu la reconnaissance et les honneurs de l’école de Paris des années 50 

Seulement, avec l’évolution de l’art moderne, les artistes – chose difficile à apprécier se trouvent déjà confrontés à la problématique du quoi et comment peindre dans l’Algérie  libre. Il faut rappeler que pendant la révolution, c’était le chevauchement forcé ou volontaire  de certains plasticiens qui va déterminer la problématique du concept artistique et de la  créativité dans le champ des arts plastiques.  

En pleine révolution culturelle africaine, l’Algérie, politiquement socialiste et tiers mondiste à l’époque, aborda-t-elle aussi art national-socialiste. En 1963, dans la suite des  organisations de masse à l’époque, douze peintres se regroupèrent a l’ENBArts d’Alger et  décident la création de l’Union Nationale des Arts Plastiques cristallisant la fine fleur de la  peinture algérienne. Il y avait Yelles Bachir (Président fondateur) Ali khodja Ali, Mesli  Choukri, Temam Mohamed, Issiakhem M’Hamed, Khadda Mohammed, M. Zmirli, M. Bouzid, M. Ranem, Kara Ahmed, Flidjani Kheira, Louail Mohamed.  

Il est juste de rappeler que la peinture algérienne marqua sa grande apparition lors de  son premier salon national artistique en juin 1964 àla galerieRacim Alger (7, avenue Pasteur)  et qui fut inauguré par le président Ahmed Ben Bella.  

Mais, la première exposition fut organisée par le comité de l’Algérie nouvelle du 13 au  21 juillet 1962 à la salle Ibn Khaldoun par les artistes Yelles Bachir, Boumehdi Mohamed, Sahouli Abderahmane , Ali Khodja Ali. 

 Dans le petit catalogue préfacé par Mourad Bourboune qui dirigeait la Commission  culturelle mise en place par le FLN., il était écrit : ... « Fidèles aux contours des signes et des  rythmes propres à cette terre, alignent ensemble leur efforts vers la même direction vers cette  rénovation culturelle qu’a désormais rendue possible notre jeune révolution …. » « Côte à  côte avec des talents confirmés, voici les premières toiles de jeunes peintres qui déjà  s’apprêtent à prendre le relais de leurs aînés et déjà expriment leurs audaces. » 

 Mais avec le temps, ces tensions s’amenuisèrent avec l’énergie de l’expression pour  aboutir aux premières scissions produisant de nouvelles alliances comme la société de la « jeune peinture », le groupe « 54 », groupe Aouchem suivi del’école du signe et bien  d’autres encore. 

Aouchem, une source pour la peinture algérienne 

 Le groupe Aouchem organisa seulement trois expositions dans sa brève existence et  la première fut en 1967. Ce fut une manifestation si ésotérique pour certains par son aspect  folklorique et si choquante pour d’autres, allant jusqu’à faire décrocher leurs toiles des  cimaises.  

Ce groupe composé de neuf artistes déjà connus ; Mesli, Adane, Saadani, Martinez,  Baya, Banbaghdad, Zerarti, Dahmani, Abdoun, élabora même un manifeste qui sera  désapprouvé par des concurrents et revendiqué par d’autres. Il y avait même des bagarres  idéologiques disait Mesli, mais ce groupe Aouchem marquera les annales de la peinture  algérienne. 

Cette école de style déclencha de nombreuses tensions entre les praticiens de l’art et une  problématique intéressante pour les historiens et chercheurs sur l’identité culturelle et  l’aliénation occidentale (2). Bourboune notait en ce sens que« dans la diversité des talents et des  expressions ; d’aucuns verront des tendances opposées, voire antagonistes ; nous, nous y  voyons que des branches ascendantes d’un même arbre. »  

Mais dans les années 70, Il y eu des écrits de Khadda complètement opposé « Ce  groupe turbulent n’hésite pas à se dire révolutionnaire quitte à affirmer avec aplomb que le  signe est plus fort que les bombes ! Et joignant l’acte au bavardage ; il versait dans un  populisme misérabilisme en peignant pour le peuple sur des matériaux, à leurs yeux  populaires telles que serpillière, natte, fugitif intérêt de scandale » disait-il. 

« Aouchem ou expression par les signes » essaye d’évoquer la relation du patrimoine  algérien avec la peinture artistique. Si le questionnement relatif à ce sujet est devenu un  classique du genre depuis l’indépendance, la question n’est pas pour autant résolue et depuis,  la peinture a beaucoup emprunté aux signes du patrimoine populaire qu’avait introduit la  mouvance Aouchem dans ses expérimentations artistiques. 

Longtemps perçue comme une référence picturale, cette école présentait une démarche  très symbolique qui se projetait en revisitant les artifices populaires traditionnels. A travers  cette démonstration de style, sont mis en évidence les éléments signifiants du patrimoine  populaire avec toute forme de figuration allégorique et rituelle. C’était pour les artistes, une  première approche avec la symbolique populaire dans le contexte des arts plastiques. 

« Aouchem ou expression par les signes », En tant que performance artistique, se révèle  aujourd’hui comme indicatrice, capable de formuler, de développer des expressions picturales  assignés à un espace géographique, ce qui jusqu’alors, n’était pas évident.  

Lorsqu’une méthode allégorique qui travaille l’imaginaire devient une référence bien  exploitée en art visuel, en art appliqué ou en architecture, elle peut être aussi révélatrice d’un  phénomène qui se construit et s’assemble à partir d’un canevas d’interdépendance. L’amorce  de cette floraison de la peinture aouchem est certainement postérieure à 1962 et a l’UNAP. La  peinture de Choukri Mesli ou de Denis Martinez diffèrent sensiblement de toutes les autres  peintures à cette époque 

Effectivement, si le terme aouchem représente un référentiel spécifique au fond rituel  populaire, il l’est avant tout, pour expliquer, au même titre qu’une peau tatouée,  l’interpénétration des graphies dans les objets, les outils et les pratiques coutumières dans un espace fédérateur singulier. Le creuset traditionnel, assigné au rôle de fond documentaire  pictographique, dirigeant une interaction cognitive est ainsi appelé à une réinvention picturale.  La simple représentation n’étant pas l’objet d’étude en soit, c’est le précepte d’exhortation  utilisé pour capturer l’adhésion, à cette symbolisation croisée et a son intronisation qui semble  être intéressant à interroger.  

De tous les mouvements picturaux dans l’histoire de l’art du pays, l’école Aouchem est  sans doute la plus intéressante à découvrir. Sa fixation par le fameux groupe en 1967 a été le  début d’une aventure traduite par l’exploitation des objets et signes vernaculaires du terroir.  Effectivement que cette méthode avait bousculé d’autres « certitudes » esthétiques mais  l’adhésion aux ascendances des formes artisanales maghrébines reposant sur de parfaits  procédés, a été, au-delà du phénomène conjoncturel de la liberté d’expression. C’est aussi une  façon de marquer le nouvel essor de la peinture et de ne pas s’inscrire dans une continuité  esthétique de l’école de paris et de la modernité telle qu’on l’entendait.  

Quand la modernité présente des expériences esthétiques d’autres lieux, le  questionnement dans le local ne se pose plus en termes de patrimoine universel. L’art  contemporain a constamment impliqué des rétrocessions des éléments académiques au profit  de l’innovation avec les nouvelles technologies. Mais, même lorsque cette modernité est  acceptable, elle n’est pas tolérée gratuitement et sans réticence. On s’interrogeait aussi  beaucoup sur certains sentiments de reniements de culturalité ou de soi. 

La perspective dans la peinture Aouchem est, me semble-t-il, sur une autre orientation.  Elle recherche plutôt un réceptacle où l’apparence devient conséquente avec elle-même au  travers des signes identitaires. Ce qui se fait dans les arts visuels contemporain est trop  complexe, trop savant pour avoir une adhésion facile dans le terrain du local régional.  

 Dans les œuvres du style Aouchem, cette transmutation graphique, peut-elle être  contemplée comme une évolution picturale moderne ? En somme, il s’agit d’analyser en quoi  certains éléments graphiques et signes introduits au sein de la toile peuvent être considérer  dans la dépendance Aouchem. Quel impact se dégage de cette mouvance picturale longtemps  fascinée par l’environnement décoratif maghrébin comme les magnifiques tapis berbères des  Ait Hichem. Il est vrai que la forme intuitive est l’un des principes signifiants. Certes, cette  configuration, depuis l’indépendance, représente un courant pictural des plus novateurs et  déclencheur avec ce qu’il a apporté dans le champ de la création artistique.  

 Certes, on peut relever comme un trait particulier à l’Algérie et au Maghreb ce culte  effréné du traditionnel, cet art populaire que les occidentaux ont tant parodié, et que Prosper  Ricard appelé dès le début du 20èmesiècle « le génie inventif des arts décoratifs africains ».  Cette croyance qu’on interprète artistiquement sous forme de totem ou de tatouage et qui rend  possible l’identification d’un espace ethnique et d’une région a était longuement affirmé  comme principe identitaire pour les Aouchem. A mon sens, il serait plus juste de considérer  ce type d’expression comme faisant partie du symbolisme. 

 En réalité, la représentation symbolique Aouchem a été largement imprégnée à  l’essence des formes graphiques. Dans un esprit où la quintessence des images est la force  essentielle, la forme extérieure des objets dessinés ou peints devient accessoire et ne peut  constituer une fermeture identitaire. Ainsi, si la beauté d’une trame colorée d’un tapis berbère  ou le monochrome d’un graphisme tatoué des Chaouias se confond avec l’idéal esthétique,  rien n’empêche l’exploitation de ce trait artistique particulier. Les dessins ne se limitent plus à  « l’esprit » ornemental suggestif ou décoratif dans l’espace public mais, adjoints à une  présence interactive. En effet les évocations du patrimoine visuel, exprimées de manière  incessante, laissant prescrire un style documentaire latent ne paraissent plus être sollicitées de  la même manière. A mon sens, il y a lieu de se demander si cette forme de réminiscence 

Aouchem n’était pas une résultante d’une fascination pour les arts du terroir, largement  reconnus et appréciés, déjà, par la France coloniale.  

 Aborder la question du regard que l’on porte sur ces éléments traditionnels et le code  des valeurs esthétiques relatives, c’est s’inscrire dans une redéfinition des transcriptions  mémorielles des arts, berbère, de Tlemcen, des Aurès ou du tassili. C’est aussi, ouvrir un  champ de réflexion entre l’art visuel patrimonial et l’innovation dans les arts plastiques. 

 

Aouchem ; l’expression et la pratique en medium 

Une expression picturale est en réalité beaucoup plus problématique qu’elle ne le laisse  entendre dans le monde des arts plastiques et visuels. Déjà, le terme peinture artistique,  comme principe déterminant, laisse entendre une perception apparemment plus complexe  qu’une simple locution. Cette conversion nous dirige, me semble-t-il, vers un besoin de dire,  une intuition de présentation de choses avec leur « écho », ou d’exposition de formes  artistiques aléatoires mais éloquentes par réfraction.  

Il est tout à fait compréhensible que la peinture Aouchem pose la question du rapport à  autrui, du visuel identitaire vers le réceptacle collectif qu’est le public et le questionnement  reste toujours un champ d’exploration ouvert. Il ressort de cet exposé que la façon Aouchem  est générale en Afrique du nord aussi bien du début du siècle qu’ à nos jours et ce trait culturel  doit être abordé en examinant le processus du métissage des éléments constructeurs insolites  avec l’hybridation simultanée. Pour cela, il est nécessaire de tenir compte des attraits du  patrimonial artisanal où se trouve un répertoire fascinant a travers l’art mural, la poterie, les  tatouages ou la tapisserie.  

 La peinture d’art soulève forcément des questions de créativité. Cela suppose des  éclaircissements sur des applications expérimentant des éléments paraboliques ordonnant des  compétences pseudos esthétiques. La pratique de l’art est conséquente à la génération  d’œuvres hétéroclites, au sens philosophique du « beau », là, où l’art reste maître de tous ses  moyens dans sa propre finalité. Si la picturalité façonne une nouvelle perception de séduction,  ne tienne-t-elle pas compte forcément des éléments visuels qui l’ont caractérisée ? Il me  semble que c’est les signes omniprésents qui seraient au cœur de l’attrait visuel dans une  œuvre d’art.  

Aujourd’hui, nous assistons à une mutation de pratiques aussi bien usitées dans le  secteur des arts visuels que dans les nouvelles technologies en communication. En art  plastique, L’espace de la toile dans laquelle les arrangements picturaux viennent s’inscrire  propose un support a la configuration d’une « expression » proprement spécifique. 

 Dans cette activité conventionnelle, il semble évident que la méthodologie a un rôle  bien déterminée. Si elle se développe, l’acte pictural ; c’est d’une part le pur instrument de la  créativité, le révélateur dans l’accomplissement de l’ouvrage d’art et le geste esthétique au  service de la détermination artistique. D’autre part, c’est aussi une posture intelligente, dans  un processus de stylisations et de partitions, qui joue un rôle important, tout comme dans un  domaine musical. 

Aouchem devient méthode de figurer et d’interpréter des formes d’appropriations pour  définir une expression artistique. L’activité d’un peintre, qui a systématiquement exploré avec  sa sensibilité les lieux et les aspects se rapportant aux différents éléments patrimoniaux de  Kabylie, des Aurès ou du tassili, c’est aussi l’enthousiasme dans les observations de pratiques  rituelles des tatouages, des tapisseries et des gravures de la tradition populaire. Il ne s’agit pas  de reproduire les aspects connus mais d’en exprimer la symbolique cachée. 

Mais comment concevoir une pratique correspondante a l’art moderne, d’une autre  manière, que celle qui se veut plutôt mémoire que fabulation esthétique, plus symbolique  qu’expression esthétique et plus signifiante qu’abstraite. C’est toujours de l’art quand ses productions dépendent d’un milieu sensible où se brouille le figuratif et celui qui ne l’est pas.  La distinction avec l’aspect satisfaisant n’occulte aucunement la mystification ésotérique de la  forme dans la critique. Cette représentation, bien entendu, affecte et participe au perceptible  dans visualisation. En ce sens, observons-la, avec en contrepoint le message occulte du  symbolique, où le projet et dessin iconographiques ont dans la clarté de s’additionner au sens  harmonieux optique. 

Ce qu’on tente de mettre en lumière, c’est que cette pratique moderne maghrébine est  dans le rôle de l’interaction avec l’art traditionnel, les beaux-arts et l’expression artistique.  Lorsque la question n’est pas tout à fait assimilée, on peut le comprendre tant il y a beaucoup  d’interprétations patrimoniales et culturelles et si la peinture Aouchem interpelle différents  regards, c’est aussi parce qu’elle est au cœur d’un phénomène socio culturel.  

A partir de là est-il possible d’analyser les variétés graphiques comme formes de  transmutations de cette nécessité artistique. Observons les mêmes rapports entre la décoration  murale du patrimoine berbère de Ait Hichem et la picturalité de l’artiste peintre algérien  Denis Martinez ; le mutualisme entre ces deux modes d’expressions est, a mon sens, la  parfaite antithèse des théories du principe qui tend à isoler la peinture aouchem de ses  références avec les techniques du passé. L’analyse de Malika Dorbani sur la pratique de l’art  en Algérie est convenable en ce sens ; « la peinture algérienne contemporaine a évolué sous  le sceau d’une double identité, l’universalité d’occident qui nous domine et le soi-même de  l’indépendance, entre la duperie et la garantie de réussite.»(3)

 

Aouchem ; peinture d’art ou de patrimoine 

Ce que « pratique de l’art » peut dire dans Aouchem 

Si la pratique de l’art en Algérie s’inscrivait dans un mouvement de masse au sein de  l’UNAP (union nationale des arts plastiques) juste après l’indépendance, d’où, une  socialisation du champ de l’art ; les années 70 quant à elles, semblent marquer une autre  transition qui peut rendre compte d’autres développements stylistiques et certaines unions  comme groupe 54, école du signe, Noun et groupe Aouchem marquèrent cette redéfinition  artistique.  

Le champ artistique, assez expérimental s’est trouvé continuellement confondu tant les  adaptations ethnoculturelles, les emprunts, les allusions entre l’appartenance et  l’enracinement, le réalisme, l’identité et les alternatives se sont multipliés. C’est aussi un  moyen de contribuer à former une écriture où tous les signes et symboles s’ inter-culturalisent.  Une calligraphie arabe ou une graphie berbère pourront trouver place facilement dans la  nouvelle figuration moderne. Le concept derrière le geste déborde clairement de la simple  pratique traditionnelle et il faudrait peut-être parler donc, d’une picturalité métissée avec  laquelle, le dispositif réalise la performance volontaire. 

La peinture aouchem se propose vers une expression picturale où formes graphiques et  rituels didactiques sont directement expérimentés et interpellés : un monde de l’art où la  pensée et les réminiscences ancestrales ont les mêmes incidences spatiales dans les  représentations visuelles. A cette forme d’expression s’ajoute clairement d’autres  correspondances. Cette technique déjà utilisée par des artistes de renom tel Yahya El  Wassiti et bien d’autres, si bien que Mohammed Khadda souligne dans un de ses écrits que :  « cette complicité entre les scriptural et le plastique allait produire ses effets sur les  miniatures et donner à l’art arabe son plus grand artiste » (4).

 Ce que la picturalité produit, ce n’est pas, « une utilisation abusive de la graphie pour  sa seule vertu décorative dans la peinture arabe contemporaine »5, mais des pulsions  mémorielles et nouvelles techniques, qui sont appelés à être examinés et contemplés.  

 J’ai évoqué la correspondance entre la technique d’une pratique et l’imge picturale  émotionnelle afin d’exposer l’idée qu’Aouchem est, me semble-t-il, dans un concept de  Médiateur, d’« esprit » entre la représentation artistique subjective et l’attention du public  récepteur. 

 Cette « faisabilité » que l’on invoque au titre de stylisme est en effet plus qu’une  manière de faire. Elle devient en fait, porteuse d’une performance plastique spécifique et  devient remarquable dans ce qui fait sa différence avec la peinture d’autres lieux. Cette  conception artistique entremetteuse, communément répandue au Maghreb est en même temps  une transcription d’un monde sensible traditionnel et bien connu. A partir de là, on peut  considérer la peinture Aouchem comme un genre artistique avec d’autres signifiants et  identifiants d’un patrimoine visuel univoque. 

 Néanmoins, le point de vue que nous défendons est qu’« Aouchem » se caractérise  plus par cette prise en compte des « senteurs » traditionnelles que par le rapport esthétique  dans l’innovation contemporaine. L’invitation des signes référentiels dans le processus de la  peinture reste aussi celle d’un travail artistique spirituel qui se traduit par une écriture  picturale ésotérique. 

Ce qui a retenu notre attention dans le genre pictural Aouchem, c’est d’abord cette  volonté de s’approprier les outils d’affirmation de tradition populaire et l’aspect resourcement  induit par la pensée. La pratique Aouchem sous-entend tout d’abord une certaine énonciation  avec le public. La peinture est aussi une revendication et si Aouchem est souvent évoqué par  les professionnels du domaine, c’est parce qu’ils avaient saisi la réelle importance de cette  thématique culturelle.

 

Aouchem et son groupe sociétal 

Si on conçoit que toute peinture peut prendre part au langage plastique en tant que  performance artistique, elle peut également devenir instrument et position de culture. Se pose  alors la question du discernement de l’action artistique dans un pays comme celle d’un autre  par rapport à son groupe sociétal. Au travers de ceci, cela apparait comme le fruit d’une  transmutation culturelle presque audacieuse. Ce bouleversement intellectuel a aussitôt agit sur  le rendement des arts visuels et des beaux-arts en Algérie. 

Longtemps perçue comme une référence picturale, le style « Aouchem » présentait une  démarche très symbolique qui revisitait les artifices décoratifs traditionnels de la culture  maghrébine. A travers cette démonstration, sont mis en évidence les éléments signifiants de  style allégorique en signes symboliques inspirés. Mon travail de recherche, « Aouchem ou  expression par les signes » essaye d’évoquer la problématique corrélation des éléments  graphiques conceptuels de la culture populaire avec la peinture contemporaine depuis 1962 en  Algérie.  

Si le questionnement relatif à ce sujet est devenu un classique du genre depuis  l’indépendance, la question n’est pas pour autant résolue et la pratique de l’art continue dans  le sens de la symbolique des signes qu’avait inauguré le mouvement « Aouchem » par ses  déterminations artistiques. L’historique exposition du groupe Aouchem, organisée à la galerie  Racim (ex : pasteur) en 1967 à Alger, a été pour les jeunes artistes Algériens, après  l’indépendance, une première approche de rattachement entre l’art pictural et la symbolique  des signes populaires traditionnels. Le style « Aouchem » dans son aspect pictural met en  valeur toute la graphologie des écritures et symboles populaires du Maghreb assignés au  patrimoine culturel avec ses rites et ses tatouages locaux. 

« Aouchem ou l’expression par les signes » ne se résume pas simplement au  rapprochement des signes maghrébins dans la peinture algérienne, mais plutôt à son étude  comme nouvelle forme stylistique. En tant que performance artistique, la peinture moderne se  révèle comme un art permettant d’exposer et d’approfondir de nouvelles formes de  représentation que les critiques d’art appellent « la créativité ». 

Les sciences de l’art, la philosophie de l’art et l’esthétique sont maintenant  particulièrement repensés pour traduire les choix artistiques dans la mutation de l’art au  Maghreb.  

Comment traduire ce concept pictural dans les arts plastiques modernes. Il s’agit  d’énoncer dans notre étude du sujet, ce qui a trait aux signes allusifs classiques et  traditionnels, de marquer les arrangements qui apparaissent et de voir les dépendances qui se  dégagent ; ce qui nous amène à interroger en même temps les limites de l’art populaire et son  interférence plastique.  

Il convient de souligner que dans le référent-signe, « intentionnellement identitaire »,  qui a dû être choisi pour que la correspondance soit, se trouve une inclinaison tacite vers un  aspect évocateur de la chose désignée. Dans toute forme d’art, les signes sont manipulés et  traités dans un sens stylistique et didactique bien déterminée par l’artiste. Mais, on peut  s’interroger, à quelles conditions, la source des signes peut être une source d’inspiration, ou  quels types de rapports garde-t-elle avec la typologie originelle du signe culturel et ancestral ?  Il est intéressant de le noter que cette forme de picturalité convergente qui interpelle donc,  l’esprit symbolique : figuratif / non figuratif ou visible / non visible ; souligne le rapport de la  spiritualité des formes dans l’expression artistique.  

Comment expliquer ce choix Aouchem, qui parait être comme une forme sous-jacente  des arts plastiques au Maghreb. Il s’agit d’énoncer dans l’étude, ce qui a trait aux signes allusifs, de marquer les arrangements qui apparaissent, de voir les dépendances qui se  dégagent ; ce qui nous amène à interroger en même temps les perspectives de l’art populaire  et son interférence dans le monde de la peinture contemporaine.  

On trouve dans certains tableaux des « aouchémistes » une abondance de signes  graphiques, mais ilsne dépendent pas tous de la « philosophie » traditionnelle populaire. Les  peintures en référence de Mesli, Adane, ou Martinez par exemple sont construites de  transitoires signes plus ou moins aléatoires, mais quand même compléments à leur  expérimentation artistique.  

Pour illustrer le rapport de l’expression par les signes, on trouve implicitement dans le  travail de Denis Martinez cette démarche de médiation entre le perceptible et son contraire  puisque son biographe Noureddine Saadi le lui a bien dit clairement « ça me parait également  entrer dans ta démarche plastique par la fonction de passage entre le dahir (l’apparent), et le  batin (le caché) ». D’autre part aussi, quelles références les plasticiens gardent t’ils avec ces  images du signe de conséquence traditionnelle ? Que n’a-t-on entendu comme répliques à  propos du questionnement : « pour moi reproduire le signe sur la toile, c’est se l’approprier,  c’est aussi tenter d’en saisir le mystère caché, d’en saisir le sens. » ou encore ; « je répète un  geste millénaire par imitation pour le dépasser par ailleurs en le faisant renaitre comme une  inscription dans une société transformée où les codes identitaires ne sont plus les mêmes. » 

L’interrogation des limites graphiques traditionnelles et l’exploration de l’aspect  esthétique dans le signe populaire invite donc la problématique de la plasticité du « sujet » à  peindre. L’expression artistique n’explique pas tant la manifestation spontanée, de  l’identitaire, que la représentation d’image, d’objet ou de signes qui incarnent l’impression  allégorique. Il reste néanmoins vrai que si l’artiste, partisan de cette formule, s’inspire d’outils  conceptuels, correspondant à la culture traditionnelle, il n’en est pas de même pour celui qui  expérimente une autre logique plastique, d’où une visibilité supérieure à l’acte de peindre. On  le voit assez bien que la performance des Aouchems s’est construite sciemment sur des  motivations culturelles pour s’orienter avec le temps à une forme symbolique maghrébine. 

Ce choix de style des signes Aouchem, peut paraitre ainsi, osciller entre deux  hypothèses ; celui de participer à une perspective d’expression régionale configurée au  caractère sémiologique local suscitant autant d’intérêts émotionnels, documentaires que  cognitifs ou, entreprendre une alternative plus actuelle qui passe directement à la peinture  d’excellence esthétique. L’enjeu en conséquence est inscrit, d’une façon plus ou moins  intelligente, au cœur des aspects conceptuels proposés au-delà des apparences miroitées par le  tableau. 

Pour nous guider en cette démarche non circoncise dans les arts plastiques, et s’il fallait  en illustrer le propos, l’exemple le plus édifiant serait certainement celui lié aux travaux de  Mesli et Martinez comme membres fondateurs du groupe Aouchems à Alger. Au-delà des  adversités artistiques suscitées à propos de leur style parfois polémique que l’ancien  spécialiste de la peinture au Maghreb Pierre Gaudibert a développé en ce sens : « le débat,  sans cesse repris depuis, s’engagea entre une modernité, risque d’aliénation, et la tradition,  menace de sclérose. Des peintres multiplièrent les interventions, entrèrent dans les conflits et  des polémiques et réussissent à faire des arts plastiques un élément visible et actif de la vie  nationale ». Mais, c’est surtout le magnétisme pour le référent populaire qui impliqua la  problématique thématique structurelle.

 

Aouchems ; exposé pictural maghrébin  

A partir de ce procédé stylistique, les artistes construisent des formes variées tant par  leur graphisme que par leur aspect fétichiste où la finalité des œuvres a été d’une façon qui  révolutionna la peinture au Maghreb. Le mouvement Aouchem, encore et toujours, apparait comme l’une des productions artistiques les plus originales depuis l’indépendance en Algérie. L’imagination s’est bien exercé depuis pour approcher l’origine du tissage Aouchems et c’est  là-dessusque s’est inscrit l’énoncé de la dimension identitaire. S’il faut présenter  l’interdépendance Aouchem avec les arts plastiques au Maghreb, les peintres Choukri Mesli et  Ahmed Cherkaoui en furent la quintessence même. Ils ont permis de réfléchir sur le métayage  de la fonction des signes ancestraux, de particulariser l’aspect du signe artistique résultant  d’un champ culturel performant et des voies d’approfondissement d’un langage pictural  cryptique. Les créations artistiques modernes laissent ainsi percevoir une dimension non plus  formelle mais consistante en fixant, au-delà des « messages » à employer, un objectif à  atteindre ; celui de la pure expression artistique. Du point de vue de la critique, la créativité  serait une performance d’imagination artistique qui provoque autant de questionnements que  de perspectives esthétiques. Le critique d’art serait un interlocuteur légal prêt à intervenir,  philosophiquement parlant, lorsque les œuvres et les aspects non figuratifs deviennent  équivoques pour un public averti. 

On a pu mesurer le pouvoir considérable de la mémoire dans la réappropriation où  l’artiste peut peindre des formes fictives, en plaçant dans ses tableaux des configurations  régénérées que le spectateur ne peut pas identifier mais qui racontent d’authentiques  réminiscences. Le style Aouchem ne cherche pas à retranscrire un référent pictural  traditionnel à travers l’usage de la symbolique populaire, il opère par combinaisons et  réinterprétation des motifs sans offrir au spectateur une figuration complète et précise. De ce  point de vue, on retiendra que le style Aouchem construit une connivence entre le plasticien et  son public.  

Depuis un certain temps, en m’intéressant à la peinture Aouchem, j’ai distingué qu’elle  se combine entre deux aspects constituant l’essentiel de l’expression artistique. Ceux-ci sont  reliés à des positions fondamentales envers l’art figuratif. En reconnaissant l’importance de la  physionomie des conformations, cela implique un engagement décisif en recherches et  organisations conceptuels du tableau qui sera mis sous les yeux du spectateur. Donc, pour le  premier aspect dans l’œuvre, c’est le rapport de l’impact visuel des structurants qui invitera à  l’appréciation artistique. Pour expliquer la concordance, cela ressemble en fait à une mise en  scène des aspects allusifs du terroir. Pour le second aspect optique dans l’œuvre, celui plus  créatif, où il est souvent compliqué d’expliciter la rationalité des idéogrammes utilisés,  l’intentionnel artistique parait se trouver parmi le sensitif des agencements purement  agréables puisque cette innovation ou créativité n’ayant aucun rapport avec l’immédiateté des  objets peints sur le support. 

L’image affective  

Le genre Aouchem est devenu plus qu’un simple concept en s’affranchissant de la  peinture des années 50 où les subtilités de l’art contemporain connurent de gracieuses  cohabitations. Cependant, certaines peintures au Maghreb vont paraitre récurrentes par le  réveil des objets pour nous rappeler leur charge affective. En consacrant l’aspect émotionnel  des coutumes populaires en peinture par « tatouages » (aouchem), l’expression picturale est  de faite magique par la symbolique abstraite qu’elle renferme.  

Depuis l’apparition du groupe artistique en 1967 (groupe de neuf peintres des environs  d’Alger), cette identification dans l’esprit Aouchem en couleurs végétales (henné), minérales,  ocres, argileuses, terre de sienne, bitumeuses, qui caressent où cernent l’aspect- signe  ancestral pour le mettre en scène et l’animer, est devenue une exploration, un mouvement et  un itinéraire culturel. Le travail de résurgence, subtile investigation dans le dérisoire, valorise  l’objet mémorisé pour en accentuer l’empreinte artistique. On peut dire que la peinture  Aouchem de Cherkaoui, Mesli, Adane, Martinez qu’appréciait évidement le public était une  représentation dans laquelle la maitrise des codes symboliques régionaux s’affirmeraient au détriment de la spontanéité d’une expression picturale cérébrale du genre de l’abstraction  lyrique ; le tableau perçu comme un corps sensible où viendrait se nicher les affects du  peintre. 

Il s’agit de montrer comment depuis une cinquantaine d’années, les Aouchems ont  entièrement balisé l’expression picturale dans les manifestations culturelles qui sont gérées  par des institutions à travers le territoire national et par l’intermédiaire d’expositions multiples  encadrés par des fonctionnaires artistiques de notoriété. La problématique qui a accompagné  et soutenu ces écrits était celle de l’intégration de l’art traditionnel au Marketing qui va  structurer dans l’équivoque toute l’image de marque de la peinture au Maghreb. On peut  évoquer l’adjonction du genre Aouchem comme un style de correspondance qui va appuyer  malgré lui, l’antagonisme culturel en art plastique. 

Cette visibilité artistique ne peut être écartée de la recherche en sciences et critique de  l’art qui vont pénétrer les arcanes de l’art du lendemain. C’est souvent au niveau de ces relais  formateurs et intellectuels que se recomposent les altérités des champs culturels didactiques.  Sans se soucier de l’outrance on entre alors dans un processus où tout est fabriqué et cette  gestion (culturelle) génère une consommation où la culture est marchandise et spectacle, pour  paraphraser Florence Morali lors d’une conférence (24-4-2012) à l’intitulé « le spectre de la  perte de l’identité ».  

L’image idéogramme 

La mise en valeur d’une peinture du non figurative dans un esprit purement esthétique  résulte du sens de l’art qu’on veut lui donner. Autant le premier (art classique) a toujours  suscité l’intérêt des chercheurs au point de devenir l’objet de toute une science en  l’occurrence l’histoire de l’art avec sa théorie, son appareil conceptuel, ses méthodes et ses  spécialistes, autant, l’enjeu concerne les arts plastiques du Maghreb et la critique d’art  spécialisée en peinture de création. Cette peinture-aouchem non figurative intéresse aussi le  cheminement culturel de ses signes didactiques. Ces principes documentaires forment un «  tout uni qui aspire à donner une approche plus ou moins fidele de la représentation, de  l’œuvre d’art et du résultat esthétique ». L’objectif dans l’aspect pictural est donc de produire  une image fidèle à l’interprétation voulue dans le fond et la forme. Il est permis de croire,  sinon d’espérer, que le concept contemporain enregistre un nouveau rapport avec le style  Aouchem.  

 L’« objectivité » d’une peinture du signe accorde au plasticien une extensibilité  authentique dans la mise en œuvre de nouvelles structures et configurations graphiques. En  effet si l’artiste est guidé par ses perceptions dans une perspective d’émouvoir le regard du  spectateur, il n’indique pas quelles sont les sources d’inspirations à adopter pour y parvenir. A  cet égard, l’aspect final d’une peinture non figurative joue un rôle décisif car il permet  d’entrevoir toute disposition esthétique, quel que soit sa dynamique, qui n’aurait pas encore  été conceptualisée dans le domaine artistique.  

Toute peinture doit ainsi manifester les expériences pratiques susceptibles d’avoir une  ascendance significative relative au champ culturel ; lorsque la représentation n’a pas abouti à  donner le résultat escompté, des recherches rapportées avec le public doivent être considérées.  L’aspect des signes dans l’expression artistique dépendra de leur perspicacité relative à la  peinture et à sa dimension esthétique. 

Aouchem ou culture du genre 

Apparu sur la scène algérienne au début des années 70, le groupe Aouchem est l’une des  grandes figures de l’art Maghrébin. Ses inspirations traditionnelles et sa réorientation vers le  moderne ont modelé sa démarche. Aouchem a joué un rôle important en créant un champ favorable à l’articulation de la symbolique ancestrale et en « offrant en partage le sentiment  d’une identité collective ». 

 En explorant la signification de la méthode Aouchem comme émergence dans le  champ culturel plastique, on peut considérer déjà, le rôle étendu qu’elle a joué en provoquant  les résurgences de pratiques culturelles anciennes et les changements dans les représentations  picturales.  

 Aussi, si l’on se représenter tous les difficultés soulevées par le concept Aouchem,  par son recours à des figures symboliques, fondées sur une écriture traditionnelle  rudimentaire, abordable à la compréhension de tous dans l’immédiateté de leur découverte, on  comprendrait les problèmes que connut, après l’exposition de 1967 à Alger, cette renaissance  picturale comme genre et comme nouvelle configuration de l’artiste et de l’art Maghrébin. Le  recouvrement de la liberté en 1962 a généré une créativité nouvelle en incitant des  introspections objectives par les artistes sur le rapport causal entre les outils conceptuels du,  sans pour autant présenter une option démagogique dans les œuvres d’art.  

 Le peintre Marocain Ahmed Cherkaoui (1934-1967) figure prémonitoire du style  Aouchem, mort quelques mois après la naissance du groupe à Alger, fut en quelque sorte  l’initiateur de l’appropriation des signes berbères et tatouages populaires « qu’il appelait les  signes de ma mère » durant ses études à l’étranger avec la découverte de la peinture  Européenne. Les premières « peintures tatouages » qu’il peint sont autant d’œuvres de  synthèse d’une réflexion sur le retour aux racines que le travail de «Klee qui arrive à l’abstrait  à partir d’une longue élaboration figurative ». Dans les toiles, il y représente notamment un  système de figuration qui s’appuie sur un ensemble de signes simples et élémentaires,  délibérément anecdotiques comme les inscriptions traditionnelles, avec les motifs de  tatouages, de la tapisserie ou de l’art berbère. Après lui, d’autres peintres maghrébins comme Rachid Koraichi investiront aussi la calligraphie arabe dans ses multiples conformations  cursives ou géométriques et l’arabesque centenaire entretenue de soufisme ainsi que de  mysticisme. 

D’autant que la façon Aouchem de remplir le plus souvent le champ iconique par un  univers graphique traditionnel en forme empirique n’est pas étrangère à l’art mural pratiqué  par les femmes kabyles d’ait Hichem en Kabylie où Denis Martinez pu se ressourcer en  redécouvrant toute la virtuosité dans le tapissage de ces murs magiques. « – et soudain les  doyennes (femmes kabyles) se sont regroupées et ont entamé un chant traditionnel, que j’ai  ressenti (Martinez), certes flatté, mais avec une émotion intense ». Contrairement à ce que  l’on pourrait penser devant une peinture Aouchem. Si elle propose à voir une manière  populaire ancienne, rien n’y provient d’une forme gratuite ou routinière. Tout y est pensé,  hybridé, métissé et dans un pragmatisme de conceptualisation qui ne laisse aucun ne doute sur  la conformité de l’œuvre d’art.  

Il semble que le groupe Aouchem à ses débuts, en intégrant le champ des signes, s’avéra  capable d’investir une expression nouvelle en se servant du « motif » Maghrébin comme outil  pictural à sa créativité. La question ; « qu’est-ce que Aouchem dans la peinture Algérienne ? »  nous amène à nous interroger si les attitudes socioculturelles et les revendications identitaires  peuvent être admises à l’intérieur des pratiques artistiques qui obéissent tout d’abord à des  prévisions esthétiques s’analysant dans la totalité de l’œuvre d’art.

 

Belhachemi Noureddine
Artiste Peintre, Professeur Ecole des Beaux-arts Oran.

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Notes :
1 Habiba Aoudia, les « feuillets d’art » de Prosper Ricard, inventaire et analyse du fonds d’archives, Misée du  Quai Branly. Notes de recherches .2014 
2
Pierre Gaudibert.
3 Malika Bouabdellah, « La peinture par les mots », Musée National des Beaux-arts d’Alger, 1994.
4 Mohammed Khadda, ‘’Calligraphie et peinture’’, Vision du Maghreb, Aix en Provence, Edi sud 1987, page  103.