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Abdeslam Khelil (Photographe) : « Au Sahara, les gens n’ont rien à prouver, ils savent ce qu’ils sont ».

Abdeslam KHELIL est un photographe algérien, né le 15 mars 1942 dans le sud de l’Algérie. Artiste émérite, il parvient à capturer la grandeur des paysages et des portraits du Sud algérien, qui représentent sa source, sa ressource, son origine et son bonheur. Toutes ses photos sont en noir et blanc. Pendant de nombreuses années, il a parcouru l’Algérie, notamment le Sahara, et est même allé jusqu’aux frontières du Mali et de la Mauritanie, séjournant souvent chez ses amis Touareg, considérés comme sa famille “adoptée”. À chaque fois, il réalise des clichés merveilleux. Cet amoureux du désert affirme calmement : “Au Sahara, les gens n’ont rien à prouver, ils savent ce qu’ils sont…” Depuis 1960, Abdeslam expose ses magnifiques photographies dans sa galerie artistique située à Alger. L’un de ses fidèles visiteurs, le Pr. Melikechi, décrit cet endroit comme : “Un lieu où l’essence d’un monde apaisant rehausse subtilement les liens entre le silence et son potentiel, la beauté et son magnétisme, la résilience et ses éléments, la vie et son omniprésence”.

Abdeslam KHELIL is an Algerian photographer, hailing from the Sahara, born on March 15th, 1942, in the southern region of Algeria. A distinguished artist, he has managed to encapsulate the magnificence of the Algerian South through captivating portraits and landscapes, all depicted in black and white. Most of his photographs were taken in the vast expanse of the Sahara, extending to the borders of Libya and Mauritania—his cherished source of inspiration, his heritage, and his happiness. Abdeslam, a self-proclaimed wanderer of the desert, has spent years traversing Algeria and the African continent. During his journeys, he often found solace among the Touareg people, whom he considers his “adoptive” family. He states, “In the Sahara, people have nothing to prove; they know their true worth.” Since 1960, this timeless artist has exhibited his splendid photographic works in a mysterious gallery nestled in Algiers. The gallery serves as a reflection of his nomadic spirit, as he brings pieces of his ancestral land to this space. One of his devoted visitors, Professor Melikechi, eloquently describes it as follows: “It is a place where the essence of a serene world subtly intertwines the relationship between silence and its potential, beauty and its allure, resilience and its elements, life and its omnipresence.”

 


Khelil dans sa galerie à la rue Didouche Mourad.

 

“Le désert du Sahara, une histoire intemporelle”

“Le désert du Sahara, une histoire intemporelle”, est une exposition hommage au photographe programmée en mars 2022 à Houston, aux États-Unis. Cette rencontre a été organisée par sa fille, qui a longuement partagé avec les invités les récits et histoires du voyage physique et spirituel de Khalil dans le désert du Sahara algérien, ainsi que son temps passé avec la tribu des Touaregs. Les photographies de Khelil sont à la fois poétiques et puissantes, révélant l’essence et la force souvent présentes chez les peuples du “Sud”.

Beaucoup de personnes ont certainement visité l’espace magique de l’artiste photographe Abdesslem Khelil, situé rue Didouche Mourad, à l’entrée de la Faculté d’Alger. Et qui pourrait oublier la bougie placée à l’entrée de la galerie, toujours allumée de jour comme de nuit, illuminant discrètement les passants ? C’était “une lueur d’espoir” pour Abdeslam Khelil, sa manière de rendre hommage à Dieu et à la vie.

 

 

La galerie de Khelil est un espace atypique, respirant l’authenticité et l’originalité, où Khalil expose l’immensité et l’intemporalité du désert, les instants de vie fugaces, et les portraits des Touaregs, fiers et au regard profond. Une atmosphère qui enchante et captive les visiteurs. Les Quatre Saisons de Vivaldi, la Neuvième Symphonie de Beethoven et les sonorités musicales du désert vous accueillent dans cet espace aménagé spécialement pour vous accompagner tout au long de votre visite. Comme le dit Khelil : “Je ne comprends pas que l’on puisse avoir de la haine après avoir écouté cela.”

Attaché à sa région natale et empreint de sagesse, Abdeslam Khelil imprime, dans chacune de ses photos, sa philosophie de vie empreinte de respect, d’humilité et de reconnaissance envers le Créateur. “La vie n’est pas du domaine du pouvoir humain. Je n’aime pas voler ou faucher à Dieu, je veux accomplir mon noble devoir d’humain et je mérite la vie parce que je la construis”, affirme-t-il. Cet artiste, qui considère que “l’homme est un perpétuel insatisfait”, refuse d’être esclave de la bêtise sociale. Pour lui, “la richesse est un état d’âme”. Son œuvre fait incontestablement partie de ces merveilles du patrimoine culturel algérien, si peu valorisé.

Son message de compassion, de considération et d’amour a résonné sur les terres du Nouveau Monde.

 
 

Sahara Desert, A Timeless Story

Photographs by Abdeslam Khelil
March 5th – April 2nd, 2022
Yvonamor Palix, lien externe

 

 


Yvonamor Palix, lien externe, Houston, USA

 


Abdeslam KHELIL*

Qui est donc ce personnage dont certains connaissent la galerie photographique, située rue Didouche Mourad, en plein cœur de la capitale, où seuls osent s’aventurer les habitués ? Dans ce local sombre et mystérieux, Abdeslam a transporté un peu de son désert natal : du sable répandu sur le sol derrière la baie vitrée, des plantes sèches « pour l’accompagner », le bureau tendu de peau de chameau qu’il a confectionné de ses propres mains, le tapis coloré, cadeau de ses amis Touareg, recouvrant la banquette de la pièce, des meubles tapissés de liège (son œuvre également), et la moquette couleur Sahara.

Dans cette atmosphère qui enchante le visiteur, l’envoûte même, on se laisse bercer par Les quatre saisons de Vivaldi, la IXème symphonie de Beethoven… « Je ne comprends pas que l’on puisse avoir de la haine après avoir écouté cela » dit-il… et on peut se recueillir devant de somptueux tableaux photographiques. Les siens. Ceux de Khelil. Tous en noir et blanc.

Des paysages et des portraits, du Sud algérien le plus souvent, sa source, sa ressource, son origine, son bonheur. Abdeslam est un artiste qui vit à la frontière entre deux mondes, à la lisière entre le rationnel et l’irrationnel. Il est autodidacte. Il a commencé à côtoyer la photographie à l’âge de dix ans.

À l’époque, il travaillait comme apprenti dans l’atelier photographique de son frère aîné, à Ouargla. « Je lui apportais des seaux d’eau tirée du puits pour le développement des photos. » Souvenir qu’il évoque avec naturel, lui, le benjamin d’une fratrie de quatre frères, et pour qui l’obéissance et le respect à l’égard des aînés sont des valeurs fondamentales. À dix-huit ans, Abdeslam s’envole pour Paris. Il y suit un stage de deux ans chez Kodak. Aujourd’hui, le regard dans le vague, un sourire lumineux aux lèvres, il cite l’avenue Montaigne, le quartier de Montmartre et tant de lieux gravés dans sa mémoire. Au début des années soixante, il s’installe à Alger.

Mais l’homme est nomade et il revendique ses origines. En effet, durant des années, il sillonne l’Algérie, le Sud notamment, le Tassili, s’arrête à Djanet, pousse jusqu’aux frontières maliennes et mauritaniennes, séjournant souvent chez ses amis Touareg, sa famille adoptive. Il réalise, chaque fois, de merveilleux clichés. Cet amoureux du désert affirme tranquillement : « Au Sahara, les gens n’ont rien à prouver, ils savent ce qu’ils sont ».

Un jour, j’y retournerai, même si je dois habiter une cabane de paille ; j’y serai heureux, je regarderai la lune et les étoiles, œuvres de Dieu, loin du monde, des agressions de la ville, près de la nature, et je retrouverai mon palmier et mon âne, content de recevoir une carotte. La richesse est un état d’âme. L’homme est un perpétuel insatisfait et je refuse d’être esclave de la bêtise sociale. » Pour Khelil, la réussite n’a rien à voir avec la réussite matérielle. Il a d’ailleurs connu une réelle aisance financière, jusqu’à ce que le terrorisme des années quatre-vingt-dix « chasse [son] public occidental », qui constituait l’essentiel de sa clientèle. Depuis, il s’est enfermé dans sa bulle d’artiste, imperméable aux banalités de la vie, fidèle à sa galerie, ses génies, ses djinn : Vivaldi, Mozart, son sable, ses plantes et ses photos.

Fidèle, également, à cette bougie qu’il allume chaque matin en hommage à une personne, un événement, à Dieu tout simplement, ou à la vie. « La Vie n’est pas du domaine du pouvoir humain. Je n’aime pas voler ou faucher à Dieu, je veux accomplir mon noble devoir d’humain ». Ses clichés ont traversé les mers, ont circulé à travers le monde, l’homme est apprécié, très souvent admiré. Son œuvre fait incontestablement partie de ces merveilles du patrimoine culturel algérien, si peu valorisé cependant.

En exposant un échantillon de son magnifique travail (« La femme à la mouche », « L’enfant et l’infini », « Les pieds », « Les épis », « Les Touareg », « La mosquée de Ghardaïa », …), moi, Rym KHELIL, sa fille, je veux aujourd’hui rendre hommage à cet immense artiste.

Rym KHELIL

*Ce texte a été écrit à l’occasion de son exposition rétrospective au Centre Culturel Algérien à Paris en 2012.

 

 

 

A la fin des années 80, Jean-Yves Loude, était venu le rencontrer pour un feuilleton littéraire à France Culture, lui consacra alors une émission. Il disait de lui ; « sur les pistes du Sahara, à bicyclette, puis à mobylette, Khelil commence à aviser les dunes, scruter les horizons. C’est en 1965 qu’il se lance dans sa première traversée désertique, en rejoignant Djanet. Les tribus sahariennes l’adoptent, lui que leurs chefs considèrent comme un enfant de la nature. De ses errances entre les dunes, sont nés plus tard ces «tableaux photographiques qui défient le temps ».

Marilyne CHAUMONT, disait dans l’Expression du 07-10-2007, à propos de son œuvre ; « A travers ses photographies, toutes en noir et blanc, vibre la vie, et toute la profondeur de l’être transparaît. Les regards des Touareg frappent le cœur, ils assaillent l’esprit ».