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Mode. Redouane Rebaine : “Pour être créateur, il faut en avoir l’esprit”

Redouane Rebaine est formé à l’Institut Technologique du Vêtement et de la Mode pour filles et garçons situé à la rue Debih Cherif (Alger) en 1971. Il quitte le lycée pour vivre sa passion en s’inscrivant à l’institut de la mode qui n’existe plus aujourd’hui. Couturier de formation, il entame son parcours professionnel à 18 ans en travaillant dans des ateliers de couturiers à Alger. À son arrivée à Paris, à l’âge de 20 ans, il réussit son concours d’accès au Studio Berçot pour suivre une formation en stylisme de mode. Après un court passage chez Jean-Charles de Castelbajac, styliste et stylicien français connu pour être un « créateur » qui renouvelle la mode de l’époque en refusant le conformisme de la traditionnelle haute couture, il se lance en tant que freelance et propose des modèles de prêt-à-porter à des boutiques du quartier du Sentier.

En 1984, après une dizaine d’années d’apprentissage et de rencontres dans le milieu de la création parisienne, Redouane Rebaine retourne en Algérie et travaille dans de nombreuses maisons de couture telles que Zina et Lylena. Il se lance plus tard dans le prêt-à-porter Made In. “Qui d’autre qu’un Algérien pourrait exploiter la culture algérienne ? Pourquoi les créateurs occidentaux s’inspirent de la culture maghrébine et de la culture musulmane pour leurs collections et pas nous ?“, s’interroge-t-il. “Imaginer et dessiner” de nouveaux modèles est sa passion depuis sa jeunesse. Ainsi, au cours des années 2000, il crée son propre atelier et lance sa propre ligne de vêtements de prêt-à-porter pour hommes “La Mode Ta3na” en 2014 qu’il définit comme un style urbain décontracté (casual urbain style), pouvant remplacer les vêtements de sport ( le sportwear) en raison de leur praticité et légèreté, tout en conservant une empreinte algérienne, que ce soit dans la coupe, les motifs utilisés ou les accessoires qui les accompagnent.

Redouane habille aussi bien les hommes que les femmes. Ses tenues sont éclectiques et d’une telle diversité, marquées par l’originalité et la créativité. Il revisite les tenues traditionnelles algériennes (burnous, serouals, gandouras, kachabias) en les remettant au goût du jour grâce à ses différentes expériences dans le prêt-à-porter, la haute couture et l’industrie. Il s’est forgé une expérience des plus singulières dans le milieu de la mode en Algérie. Il a été primé à deux reprises lors de salons de création et a notamment réalisé les uniformes du personnel du Sofitel, du Mercure et des femmes policières.

Pour être créateur, il faut avoir l’esprit, affirme souvent Redouane Rebaine. Avec son esprit taillé dans le temps et sa maîtrise de son art, on ressent plus d’un demi-siècle de recherche, d’investissement et de passion dédiés à la mode en l’écoutant. Son expérience mérite d’être mise au profit des jeunes qui aspirent à faire ce métier.

 

Top models : YES Agency
Concept et shooting : Kaies Ettou Nsi
Tenues : Redouane Rebaine
Coiffure & Maquillage : Nin

 

Si vous deviez résumer votre parcours professionnel en tant que créateur ?

Redouane Rebaine : Mon parcours professionnel a été d’abord un jeu pour moi. J’ai été très attiré par les tissus et les formes. Ensuite, c’est devenu une passion. J’habillais les poupées de mes cousines et voisines dès mon plus jeune âge. Vers l’âge de 10 ans, j’ai été pris par la passion du dessin et de la création de modèles. Le moment clé de ma vie a été le jour où j’ai lu une annonce dans un journal annonçant l’ouverture d’un institut technologique du vêtement. On y enseignait le stylisme, le modélisme, la couture, etc. J’ai alors quitté le lycée, j’étais alors en terminale  et j’ai intégrer cet institut. Auparavant, il n’existait que des écoles de couture réservées aux femmes uniquement.

 

Quelles sont vos sources d’inspiration et les mouvements artistiques qui vous ont particulièrement marqué ?

Redouane Rebaine : Non, je n’ai pas été influencé par un créateur en particulier, bien que j’admirais le travail de la plupart d’entre eux. Je créais ce qui me venait à l’esprit et parfois je retrouvais mes créations réalisées par certains grands couturiers, ce qui me donnait confiance en moi.

 

 

Quelles sont vos aspirations et les conseils que donneriez-vous aux jeunes créateurs qui se lancent dans la mode ?

Redouane Rebaine : Il faut croire en soi, être très créatif et observateur, sentir les changements qui se passent ou se passeront dans le monde, avoir une vision différente et aiguë de ce qui nous entoure. Je leur conseille d’être très patients et de ne jamais abandonner. Mon désir maintenant est de partager toutes mes expériences, tout mon savoir-faire, et mon parcours dans les différents métiers de cette profession, oh combien riche et toujours en mouvement, avec cette génération talentueuse. Je souhaite leur faciliter le chemin grâce à mes expériences. Le monde du vêtement a changé, et la façon de l’enseigner aussi. Il est plus qu’urgent d’ouvrir une école d’art de la mode et du vêtement, un centre de design pour les créateurs de demain. En ce moment, le monde du textile à l’échelle internationale subit une crise. C’est une opportunité que l’Algérie doit saisir pour se mettre en avant. Il existe une solution qui nous propulsera à l’international, et je sais de quoi je parle. Certains organismes s’y préparent en silence. Nous n’avons pas le droit de laisser passer cette chance.

 

Pouvez-vous nous parler d’un projet ou d’une création dont vous êtes particulièrement fier et qui est spéciale pour vous ?

Redouane Rebaine : Il y a 10 ans, j’ai ressenti le besoin de m’intéresser à notre patrimoine et de retrouver notre identité en tant qu’Algériens. Je sentais que le moment était venu où les Algériens allaient à la recherche de leur histoire, de leurs traditions. D’ailleurs, je sentais que quelque chose allait changer dans le monde, sans pouvoir l’expliquer clairement. J’ai commencé à travailler sur les vêtements traditionnels, en les transformant en vêtements de tous les jours. Je considère que le vêtement algérien est un vêtement à part entière, et non pas seulement festif ou occasionnel. J’ai donc créé une ligne de vêtements et d’accessoires pour hommes et j’ai organisé plusieurs défilés. Je suis fier de cela, car depuis lors, on voit de plus en plus d’hommes s’habiller en traditionnel, même en dehors des occasions spéciales comme les mariages. Le “tradi-street” est né grâce à mes défilés exclusivement pour hommes, et plusieurs de mes idées ont été reprises. Je ne m’étais pas trompé, les Algériens étaient à la recherche de leur identité.

 

 

Comment voyez-vous l’évolution de l’industrie de la mode ainsi que les nouveaux défis et les nouvelles tendances auxquels les créateurs doivent faire face ?

Redouane Rebaine : Je pense que l’industrie de la mode va beaucoup changer, si ce n’est déjà fait. Les grandes industries de fabrication vont disparaître, laissant place à des marques de créateurs qui choisiront et travailleront sur un style de vêtement spécifique et cibleront une clientèle. Il n’y aura plus une seule mode comme par le passé, mais plutôt des tendances. Le tissu et les couleurs perdront de leur importance dans le vêtement, dorénavant ce sera la forme, la subtilité et la complexité du modèle qui prévaudront. Ce sera véritablement un travail de création, de recherche et surtout d’exclusivité que le créateur proposera à sa clientèle.

 

Comment la mode influence-t-elle votre vie quotidienne ?

Redouane Rebaine : Ma passion influence ma vie, mais la mode elle-même, jamais. Je n’ai jamais suivi ou voulu ressembler à tout le monde. J’ai toujours dit que la mode est faite pour ceux qui veulent bien la suivre, sans réfléchir. Je suis un citoyen du monde et je n’ai pas un style précis. Je porte ce qui me plaît et dans quoi je me sens bien.

Propos recueillis en juin 2023

 


Redouane Rebaine

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Nuit de la mode 2014 by Redouane Rebaine
Lieu : Oran
Pays : Algérie

 

 

Liens externes :
– Entretien Paper Bagg par  Reslane Lounici : paperbagg.com
– Entretien Artissimo : artissimo.dz