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Aggad Kader entre Engagement et Créativité

Aggad Kader est sculpteur, artiste peintre et photographe. Il est né le 24 avril 1938 à Relizane, une ville située à l’ouest de la capitale. En 1956, il est militant nationaliste et s’engage dans le mouvement, notamment en faveur de la grève des étudiants. Arrêté et interné en 1957 pendant deux ans, il est libéré et parvient à s’exiler en France dans le cadre du plan de Constantine, pour y suivre une formation de technicien agronome. De nouveau actif au sein du FLN dans la région d’Avignon, il est à nouveau arrêté puis libéré provisoirement, s’exilant ensuite en RFA où il reprend son activité au sein de la Fédération de France du FLN, qui agissait également depuis l’Allemagne où la sécurité de ses membres était mieux assurée.

Après 1962, l’indépendance, il travaille au service consulaire de l’ambassade d’Algérie à Bonn en RFA et est également membre de l’amicale des Algériens en Europe. Pendant cette période, il a eu l’occasion de côtoyer l’écrivain algérien Kateb Yacine, avec qui il résidait dans la même maison à Bonn-Bad Godesberg, alors que l’auteur de Nedjam rédigeait « Polygone étoilé ». Sa proximité avec l’art et les artistes l’a conduit à se tourner vers l’art.

Son parcours atypique et son engagement dans le monde de l’art contemporain offrent une perspective unique. Avant de consacrer une partie de sa vie à la photographie, il s’était approché de l’académie du film et du cinéma de Berlin. Aggad Kader se distingue par son approche artistique novatrice, privilégiant le contenu sur la forme. De 1965 à 1968, il étudie la photographie à Bonn. En 1985, après des années consacrées à la photographie, il ressent le besoin de passer de l’art visuel selon lui pour toucher à quelque chose d’encore plus tangible. “Le jeu de lumière et la plasticité de la photo m’ont permis de faire le saut qualitatif vers la sculpture, son aspect multidimensionnel m’a tout de suite séduit.” Il s’initie à la sculpture sur pierre et est co-fondateur du groupe d’artistes : « Ateliergemeinschaft Hahlerstrasse » et membre de l’association des artistes de la région Minden-Lübbecke : «Aktuelle Kunst». Il est également membre de la société d’art contemporain d’Allemagne.

Initialement impliqué dans le combat révolutionnaire et ayant côtoyé des figures emblématiques telles qu’Issiakhem et Kateb Yacine, Aggad Kader explore la sculpture comme moyen d’expression. Il évoque son parcours en ces termes : “Je suis un ancien moudjahid, détenu pendant la guerre de Libération. Après l’indépendance, j’ai été un pionnier de l’ambassade d’Algérie en Allemagne. Influencé par Kateb Yacine et Issiakhem, je me suis orienté vers l’art.

Aggad emploie le plus souvent le marbre pour exprimer son sens de la justice et de l’humanisme. Toutes les sculptures de Kader Aggad ont pour thématique l’humanité, la condition humaine. Son œuvre principale s’intitule « La tragédie humaine I et II », un ensemble de sculptures réalisées durant les années 1980 dans son atelier dans la ville de Minden où il vit et travaille.

 

 

Aggad réalise des sculptures dans plusieurs lieux publics en Allemagne : des sculptures en marbre et en grès à la ville de Minden, à la gare et à l’école royale de Minden, ainsi qu’une sculpture à l’occasion de l’année de l’eau, patronnée par l’Union européenne et par l’Unesco. Ses œuvres ont été exposées à Berlin, Bielefeld, Minden, Bad Oeynhausen, Porta-Westfalica, Bad Nenndorf et Petershagen, ainsi qu’au Musée public national Ahmed Zabana d’Oran, à la 5e édition du Salon d’automne au Palais de la Culture Moufdi Zakaria d’Alger en 2012, à la Maison de la Culture Ould Abderahmane Kaki à Mostaganem en 2017 et au Musée d’Art Moderne d’Oran, le MAMO en 2012.

L’artiste a traduit en sculptures plusieurs chansons de Jacques Brel, honorant ainsi le chanteur belge. Il raconte sa collaboration avec la fille de Brel : “Lors de l’anniversaire de sa mort, sa fille avait organisé une grande fête dans la ville de Bruxelles. En contact permanent, elle m’a demandé de réaliser une sculpture aux îles Marquises, là où il est enterré.” Il a réalisé un bon nombre de sculptures inspirées des chansons de Jacques Brel. « Jef » représente un personnage tourmenté et recroquevillé sur les misères du monde et de la condition humaine, tandis que « Quand on a que l’amour » est le titre d’une sculpture en référence à une chanson de Jacques Brel où l’on voit deux âmes sœurs, en toute apparence souffrant de maints handicaps, mais tenant quand même le cap grâce à la force de l’amour qui les lie.

 

Aggad Kader envisage de laisser un héritage national à travers son art, en offrant une réalisation qui ne verra pas le jour du temps du wali Boudiaf : une réplique de sa sculpture hommage à Brel, intitulée “Le droit de rêver”, qui serait installée à Oran en face de la mer, une “sorte de Statue de la Liberté oranaise”, selon les mots de l’artiste.

L’œuvre de Kader, souvent imprégnée de symbolisme, ne manque pas de créer la controverse. À titre d’exemple, invité d’honneur du Salon d’automne du palais de la culture en 2012, ses sculptures, en particulier celles représentant le nu féminin, suscitent des débats. L’artiste réagit en soulignant que “la question de la nudité n’est pas près d’être réglée dans les pays arabes“. Pourtant, il insiste sur l’absence d’obscénité dans ses créations, affirmant son rôle d’artiste et l’importance du sens profond dans chaque création, critiquant le concept “d’art pour l’art”.

Rédaction founoune

 


Sculpture inspirée de la chanson de Jacques Brel.

 

… il(s) ri(en)t de toute une dent
pour croquer le silence autour des filles
qui dansent à la mort d’un printemps 

...et ensuite il crache sa dernière dent
pour créer le silence
devant des garçons, dansant,chantant et buvant leur vingt printemps.

… on fait des vieux avec ce qu’on peut…
                                                                 (A.Aggad)

 


Aggad Kader sur la tombe de Jacques Brel à Hiva Oa, tout près de la tombe de Paul Gauguin.

 


Exposition des sculptures de Aggad Kader au Musée d’Art Moderne d’Oran en 2012.

 

 

“Je crois que c’est bien beau d’avoir sur son mur un tableau avec de belles couleurs ; mais l’art qui n’a pas à faire directement avec les problèmes de l’homme, de la politique, de la religion, de la psychiatrie, ce n’en est pas. D’un point de vue artistique, cela a toujours été un alibi quand on peint de façon abstraite ; d’un point de vue politique, cela a toujours été bien reçu.” Alfred Hrdlicka