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« Premier concours de la photographie amateur en Algérie », septembre 1959 (Le Bled magazine).

Il fut organisé par l’hebdomadaire militaire d’information “LE BLED” durant le mois de septembre 1959. Pour rappel, le magazine le Bled, est un journal d’information militaire à destination des soldats servant durant la guerre d’Algérie , il paraît de décembre 1955 à 1962. Il dépend du fameux service d’action psychologique et d’information (). La collection photographique du journal forme un ensemble estimé à 45 000 photographies. Elle est conservée à l’ECPAD ((Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense) et librement consultable à la médiathèque du fort d’Ivry-sur-Seine (lien externe).

Dans ce contexte et s’agissant de la pratique photographique amateur en opération, l’historienne Marie Chominot souligne ce trait dans sa thèse (Guerre des images, guerre sans image ? Pratiques et usages de la photographie pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962), thèse de doctorat (histoire) sous la direction de Benjamin Stora, université Paris-VIII, 2008) : « Le réflexe photographique dans les situations de très grande tension n’appartient pas à la gamme de leurs réactions, alors qu’il est comme conditionné chez les professionnels de l’image. Ces derniers ne se posent pas la question du voyeurisme tant qu’ils sont dans l’action et la nécessité de témoigner prime sur l’émotivité. […] L’immense majorité des photographes amateurs ne recherche ni le sensationnel ni le morbide. Se tenant à distance de l’exceptionnel, leur production s’ancre au contraire dans la normalité du quotidien, la vie courante des postes, la camaraderie. […] Très rares sont donc les photographies qui sortent de cette banale normalité et documentent crûment les aspects les plus violents de la guerre (la blessure, la mort, la violence infligée). Elles requièrent toute notre attention car elles sont le prototype des images improbables qui n’auraient pas dû exister au cœur du système d’information et de représentation de guerre piloté par l’armée.»

Dans ces conditions, la confrontation de la production amateur avec la production institutionnelle amène toutes sortes de questions. En effet, dans une iconographie entièrement prédéfinie en amont, comment l’imprévisible est-il appréhendé par le photographe officiel ? S’il semble évident que la photographie officielle et celle de l’amateur ont des points de vue concordants sur le rôle positif du soldat français dans la pacification, qu’en est-il des images « sensibles » ? Qui de la gestion photographique d’un événement de guerre lorsque celui-ci constitue un événement quotidien pour le photographe amateur et une exception pour le photographe officiel ? La question sous-jacente est bien de savoir où et quand le soldat, photographe amateur, choisit-il de s’arrêter lorsqu’il photographie une action de guerre, en Algérie ?

Les photographies singulières sur la guerre d’Algérie constituent ainsi une source d’étude pour divers champs de la recherche historique, qu’il s’agisse de l’histoire militaire ou de l’histoire de la
photographie. L’historienne Marie Chominot, souligne aussi : « La politique militaire d’encouragement de la photographie amateur s’inscrit dans le cadre plus vaste d’un processus de formatage de la vision des jeunes appelés. […] Les concours photographiques organisés ou relayés par l’autorité militaire ne font que redoubler l’action de normalisation du regard sur la guerre qui est à l’œuvre au quotidien, à travers les différents supports imagés proposés aux soldats dans le cadre de l’action psychologique. […] Le conformisme de leur discours visuel ne doit pas nous étonner dès lors que l’on considère le matraquage dont ils font l’objet, ne serait-ce qu’à travers la publication hebdomadaire du journal le Bled. ».

L’analyse de la représentation du conflit par des soldats dont les pratiques photographiques s’inscrivent initialement en dehors du cadre institutionnel représenté par l’annexe algérienne du SCA d’Alger (Service Cinématographique des Armées) s’avère comme une approche intéressante. Toute la difficulté pour le chercheur est de comprendre une pratique amateur unique replacée dans son contexte historique et de production et d’en saisir les spécificités esthétiques. Il s’agit ensuite de questionner cet usage au regard d’un système de représentation officiel avec lequel cette activité cohabite au gré des situations.

La collection photographies consacrée à la guerre d’Algérie et la production de l’annexe algérienne du SCA (Service Cinématographique des Armées), compte 3 408 reportages et la collection BLED, 2 759 reportages. 

Synthèse : Tarik Ouamer-Ali

Source : ECPAD
Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense, France.