« Le capitalisme, dans sa forme la plus avancée, la plus expérimentale, exclut la parole de l’échange : la pornographie et ses actes sexuels sans préliminaires ; la prostitution muette, une large part du trafic des femmes conduisant à ce que celles-ci se trouvent dans des pays dont elles ne parlent pas la langue ; l’élimination progressive des caissières et cassiers afin que le client enregistre lui-même les produits qu’il achète ; les bébés, embryons, gamètes, dénués de paroles mais de plus en plus échangés ; l’endoctrinement publicitaire préparé par la télévision pour les bébés ne sachant parler.
L’idéal capitaliste se révèle ici : un univers où les moyens seront parfaitement ajustés aux fins, d’où sera donc éliminé ce facteur d’imperfection, de flou, d’hésitation, de poésie, de jeu, qu’est le théâtre que se jouent les humains quand ils s’échangent de la nourriture, du désir, du feu ou de l’esprit. Le capitalisme veut éliminer le langage. Si l’on admet l’hypothèse que le langage est une part inséparable de l’humain, le capitalisme veut éliminer l’humain.»
Hervé Kemph
Pour sauver la planète,
sortez du capitalisme
Edition Seuil / 2009