La dictée picturale de Zoubir Hellal, éditée aux éditions Hélium, est occasionnellement présentée à Dar Abdeltif, lors d’une exposition en hommage à Omar Racim, le frère aîné du miniaturiste Mohamed Racim. Voici deux extraits de la vive critique du maître à penser des Essebaghine, ainsi que du commandeur-conseil de la politique culturelle des arts visuels de la tutelle, et notamment du groupe inféodé aux principes de la conservation de la masse, celui des badigeonneurs.
Son hommage à Omar s’inscrit dans une politique du chaud et froid, orchestrée et servie pour assouvir son mépris envers la catégorie des miniaturistes. Vrai ou faux ? Le livre est ambigu, mal rédigé et incohérent. Une énième comédie littéraire du badigeonneur en maître. L’auteur, tout comme ses acolytes badigeonneurs, reste fidèle aux choix intentionnels et indispensables des titres frappants et flippants pour leurs expositions. Dans cet épisode, le penseur des badigeonneurs questionne délibérément les mythes. Alors, sont-ils coupables ou innocents ?
Extrait 1 – Page 29 : « L’oeuvre de Mohamed Racim a été assujettie à sa naissance au langage politique. La culture dans laquelle il baignait était une culture de dépendance et d’asservissement. L’art de la miniature qui se perpétue dans sa continuité jusqu’à nos jours ne peut qu’être le produit de la même aliénation. Il ne peut pas être un art national authentique. Les pages qui suivent étayeront cette affirmation sans ambages et exemples à l’appui. ».
Extrait 2 – Page 31 et 32 : « Est-il vrai ou admissible que la perception de la miniature par l’intelligentsia culturelle et politique algérienne puisse coïncider aussi parfaitement avec celle des intellectuels français qui étaient au service de l’ordre colonial ? Est-ce parce-que la stratégie coloniale a réussi à brouiller les cartes aux yeux de la bourgeoisie citadine algérienne naissante en lui faisant confondre la mouture qu’elle a donnée à la miniature algérienne des après la conquête avec la modernité. Ou n’est-ce là que discours ambigu avec lequel la bourgeoisie citadine algérienne naissante s’absolvait de ses propres confusions alors qu’elle s’installer aux commandes de l’Algérie indépendante.
Autrement dit, l’objectif inavoué de la bourgeoisie citadine algérienne naissante, n’était-elle pas dans une position où elle ne pouvait récuser cette partie du discours colonial sans récuser les silences et parfois même la collaboration dont elle a fait montre au sujet de l’assujettissement des siens avant l’indépendance.
Bien qu’indépendante en 1974, l’Algérie adopte cependant la pensée artistique et culturelle de l’art de la miniature en se guidant vers un mélange inquiétant et faisant parfois penser que l’art algérien authentique est de nationalité française. Cette aberration est toujours d’actualité. Doit-on croire que la culture algérienne ne peut être que citadine et ne graviter qu’autour de Paris ? Ou que dessiner ou peindre des oiseaux chimériques sur les murs d’un café maure à Constantine ou ailleurs en Algérie n’est que graffiti à exclure de la sphère artistique si l’expert français ne l’a pas vu, listé, « nomenclaturé » et noté ?
Si pour une raison historique, économique ou autre la politique utilise ou méconnaît par accident ou à escient la relation ontologique qu’elle entretient avec l’art—et avec la miniature dans le cas qui nous intéresse ici—la méconnaissance de cet aspect est aussi grave. C’est ce qui est fait lorsqu’on affirme après 1962 que l’art de la miniature est authentique —tel qu’embrigader par la doctrine coloniale bien sûr.
La colonisation n’a pas fait d’exception avec Racim. Latiniser la miniature, et la franciser pour signifier à « l’indigène » son état d’infériorité était la norme. Cela a continué avec ses adeptes longtemps après son départ et resurgit ici et là dans des échos de la presse écrite en français. L’art de la miniature prôné par la colonisation française est parfois rediffusé par des auteurs algériens soit sciemment soit distraitement. ».
En vous épargnant les centaines de pages de disgrâce et de ouï-dire, les deux extraits affichent les intentions sournoises du maître Zoubir. Un ouvrage désobligeant et maladroit, écrit avec légèreté, où l’on découvre que Mohamed Racim et Étienne Dinet ne sont rien d’autre que des marionnettes. Si, en considérant l’ouvrage « Dictée Picturale », l’auteur prend du plaisir à attribuer à Mohamed Racim le statut d’indigène exécutant, par opposition, il rend hommage au frère aîné, miniaturiste décédé en 1959, initiateur aussi et pratiquant de la dictée picturale imagée, si chère à l’auteur. En talentueux metteur en scène, il tente de tirer vers le haut l’autre frère militant, Omar, et vers le bas le frère artiste miniaturiste, Mohamed. Pourquoi ?
Les extraits donnent un aperçu de la critique acerbe de Zoubir Hellal envers l’art de la miniature et ses adeptes, ainsi que son intention de questionner les mythes établis. L’auteur remet en question la place accordée à cet art dans la culture algérienne et la relation complexe entre l’art et la politique coloniale. Il met en lumière les influences et les conséquences de la colonisation sur l’art algérien. Toutefois, le texte laisse également entrevoir la possibilité d’interprétations multiples et les enjeux sous-jacents qui peuvent influencer les jugements artistiques. L’ouvrage de Zoubir Hellal semble susciter des débats sur l’authenticité de l’art algérien et ses liens avec la France, ainsi que sur les acteurs qui ont contribué à façonner la perception de cet art. Enfin, le texte souligne l’importance de la réflexion et de la remise en question des discours historiques pour comprendre le contexte dans lequel l’art a évolué.
En s’interrogeant davantage, si l’on attribue à la dictée picturale une intemporalité, il faut aussi savoir que les manifestes, tels que celui des Essebaghnine, ne sont pas dépourvus d’ambiguïtés,”le temps révèle toute chose.”
Tarik Ouamer-Ali
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“Obéissance, désobéissance originelle, questionnement sur l’histoire et ses mythes”.
Exposition à Dar Abdeltif de Zoubir Hellal. Du 04 au 18 juin 2022.
Titre : Hommage à Omar Racim.
Zoubir Hellal lors de l’installation des membres du CNAL, le 17 mai 2022.
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